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ROMANCIERS DE LA FRANCE.

en fit un de Mme de Sévigné, qui est censé écrit par un inconnu : « Il vaut mieux que moi, disait celle-ci en le retrouvant dans de vieilles paperasses de Mme de la Trémouille en 1675, mais ceux qui m’eussent aimée il y a seize ans, l’auraient pu trouver ressemblant. » C’est toujours sous ces traits jeunes et à jamais fixés par son amie, que Mme de Sévigné nous apparaît immortelle. Quand Madame, engageant Mme de La Fayette à se mettre à l’œuvre, lui disait : Vous écrivez bien, elle avait lu sans doute la Princesse de Montpensier, première petite nouvelle de notre auteur, qui fut imprimée dès 1660 ou 1662[1]. Comme élégance et vivacité de récit, cela se détachait des autres nouvelles et historiettes du moment, et annonçait un esprit de justesse et de réforme. L’imagination de Mme de La Fayette, en composant, se reportait volontiers à l’époque brillante et polie des Valois, aux règnes de Charles IX ou de Henri II, qu’elle idéalisait un peu et qu’elle embellissait dans le sens où les gracieux et discrets récits de la reine Marguerite nous les font entrevoir. La Princesse de Montpensier, la Princesse de Clèves, la Comtesse de Tende ne sortent pas de ces règnes, dont les vices et les crimes ont trop éclipsé peut-être à nos yeux la spirituelle culture. La cour de Madame, pour l’esprit, pour les intrigues, pour les vices aussi, n’était pas sans rapports avec cette époque des Valois, et l’histoire qu’en a essayée Mme de La Fayette rappelle plus d’une fois les Mémoires de cette reine si aimable en son temps, qu’il ne faut pourtant pas croire toujours. Le perfide Vardes et le fier M. de Guiches sont bien des figures qui siéraient d’emblée à la cour d’Henri II ; et à cette cour de Madame, il ne manquait pas même de chevalier de Lorraine. Mme de La Fayette avait dans ce monde une sorte de rôle d’autorité, et exerçait pour le ton une critique sage. Deux mois avant la malheureuse mort de Madame, Mme de Montmorency écrivait à M. de Bussy en manière de plaisanterie (1er mai 1670) : « Mme de La Fayette, favorite de Madame, a eu la tête cassée par une corniche de cheminée qui n’a pas respecté une tête si brillante de la gloire que lui donnent les faveurs d’une si grande princesse. Avant ce malheur on a vu une lettre d’elle qu’elle a donnée au public pour se moquer de ce

  1. Le Dictionnaire de Moreri dit 1662, et Quérard 1660. Ce qu’il y a de certain, c’est que la première édition publique, avec privilége du roi, est de 1662, sans aucun nom d’auteur.