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POÈTES ÉPIQUES.

À LA MUSE LATINE.

Sous mon toit résonnant gazouille l’hirondelle ;
Le petit du bouvreuil dont j’ai vu croître l’aile
Commence à becqueter mon pain de chaque jour.
Car le toit du poète est ouvert dans l’orage
À la jeune hirondelle, aux parfums du rivage,
À tous les chants d’amour.

Il n’est fermé qu’à toi, triste muse latine !
Loin ton ciel plagiaire où le frélon butine,
Sur leurs longs pieds de bouc tes mètres saliens,
Vieux enfans d’un vieillard tes hymnes de Saturne,
Puis au bord de ton urne
L’épopée épanchée à flots olympiens !

Sans ailes, sans guirlande et plus riche que belle,
Je ne t’aimai jamais. Ton avare mamelle,
Loin de ma mère, enfant, m’a nourri de mes pleurs.
Tu ne sus qu’insulter les plus doux de mes songes ;
Et dans mon ciel d’avril tu mêlas tes mensonges
À mes premières fleurs.

Ta férule outragea ma muse à la lisière ;
Et moi, fuyant déjà ta classique lanière.
J’allais où va l’oiseau me plaindre dans les champs ;
Et quand j’avais pleuré mes larmes de poète,
Sautillant sur ma tête,
C’est l’oiseau nouveau-né qui m’enseignait mes chants.

Mais toi, pendant ce temps, sur le trépied montée,
Vestale, qu’as-tu fait du feu de Prométhée ?
Tu l’as laissé mourir sous ta tremblante main.
Ton souffle sur ton âtre ose à peine descendre ;
Car les pensers d’amour qui raniment la cendre
N’habitent pas ton sein.

Vestale, qu’as-tu fait du foyer d’Ionie ?
Dans tes mètres d’emprunt la torche du génie
Sur l’autel des Latins n’a brillé qu’en mourant.
Ton œuvre la plus belle est un sépulcre vide
Où, dans ta cruche aride.
Tu taris en un jour l’eau puisée au torrent.