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DANTE, PÉTRARQUE ET BOCCACE.

nonce, en style prophétique, une catastrophe qui ne tarda pas d’arriver par le schisme et la déposition de trois papes au concile de Constance. Ces lignes offrent quelque obscurité ; mais certes l’objet de tant de malédictions est désigné clairement.

Ces sonnets, bien autrement populaires que des vers latins, ont été publiés du vivant de Pétrarque ; ses poésies italiennes étant rangées par ordre chronologique, on peut en déterminer l’époque précise.

Pétrarque était dans une position plus favorable que Dante : son immense célébrité lui servait de garantie. Il était l’oracle des savans, l’idole des admirateurs de la belle poésie, le confident, l’ami de plusieurs princes, et l’orgueil de sa nation. La vérité, dite courageusement, a aussi sa puissance : ses sonnets ont eu un libre cours en Italie, et la censure tardive du concile de Trente n’a produit aucun effet.

Le sujet doit paraître épuisé par ces quatre sonnets : tout ce qu’on pourrait ajouter ne serait que redites. Mais M. Rossetti ne se contente pas de cela. Quand le poète exalte de mille manières la beauté, la grâce et la vertu de Laure, c’est toujours le jargon des sectaires, et cela s’applique à tous les chantres de l’amour. La Béatrice de Dante est la secte ; la Selvaggia de Cino da Pistoia est la secte ; la Laure de Pétrarque est la secte ; la Fiammetta de Boccace est la secte ; bref, la secte est la bien-aimée de tout le monde. Remercions-la, quelque hérétique qu’elle fût, d’avoir servi d’occasion à tant de beaux vers.

Pour mettre en évidence son hypothèse, M. Rossetti n’a pas su trouver de meilleur moyen que de faire imprimer les passages cités avec une bigarrure d’italiques et de majuscules. Il s’attache particulièrement au mot lumière (LUCE) comme à un des plus suspects. Nous lui aurions conseillé de l’encre dorée, pour rendre plus sensible aux yeux du lecteur l’éclat du grand mystère. Quelques pentagrammes aussi auraient été à propos ; les encadremens des chiffres de Henry VII, donnés pages 291 et 292, sont quelque chose d’approchant.

On perdrait son temps à réfuter en détail de pareilles erreurs. Nous nous bornerons à une observation générale. La poésie lyrique en Italie a commencé par la métaphysique du sentiment, et malheureusement cette métaphysique porte l’empreinte de l’école