Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 7.djvu/400

Cette page a été validée par deux contributeurs.
396
REVUE DES DEUX MONDES.

l’éclat des arts et de l’industrie, voilà les dédommagemens que le système de paix doit livrer à un peuple libre. Une révolution comporte nécessairement des développemens que la science politique doit satisfaire avec une mesure intelligente ; on ne peut faire une loi aux nations de l’adage du stoïcisme : Supporte et abstiens-toi.

Il est remarquable que le gouvernement, depuis que les collisions violentes ont expiré, semble plus incertain et plus embarrassé dans sa contenance. On dirait qu’il avait besoin des agitations et des émeutes pour lui donner la réplique et lui fournir son thème. Il a nié ses adversaires, mais il ne s’est pas encore affirmé lui-même.

Si la restauration représentait le triomphe du passé sur le présent et l’avenir, apparemment on l’a renversée pour demander d’autres satisfactions au gouvernement nouveau. La France n’opposait-elle pas, en 1830, le drapeau tricolore au drapeau blanc, l’espérance de la gloire aux souvenirs de l’invasion, la démocratie à l’aristocratie, l’indépendance philosophique au joug du bigotisme, l’usurpation à la légitimité ? Voilà la réalité politique. Quand la maison d’Orléans fut invitée à supplanter la maison de Bourbon, ce n’était pas pour venger les descendans du régent des mépris de la cour de Louis XIV ni de Louis XVI, mais pour servir la révolution accomplie ; mais pour intimider et maintenir l’Europe. Napoléon a dit à Sainte-Hélène : « Si l’on eût dû avoir le spectacle d’une légitimité interrompue, je maintiens qu’il était plus avantageux aux rois que ce fût par moi, sorti des rangs, que par un prince membre de leur famille, car des milliers de siècles s’écouleront avant que les circonstances accumulées sur ma tête aillent en puiser un autre dans la foule pour reproduire le même spectacle ; tandis qu’il n’est pas de souverain qui n’ait, à quelques pas de lui, dans son palais, des cousins, des neveux, des frères, quelques parens propres à imiter facilement celui qui une fois les aura remplacés. » Voilà quelle force l’usurpation donnait à la France contre l’Europe.

Ce n’est pas en imitant ce qu’elle remplace qu’une dynastie nouvelle peut s’établir solidement sur les ruines de l’ancienne ; elle ne saurait trouver la force et la durée qu’en représentant de grandes idées et de grandes passions nationales. Si Guillaume d’Orange garda le trône d’Angleterre pour lui et ses successeurs, ne représentait-il pas sincèrement le protestantisme contre le catholicisme ?