Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 7.djvu/399

Cette page a été validée par deux contributeurs.
395
SIX ANS.

ler le droit et de satisfaire la société. Rien ne saurait le relever de ce double devoir : la légitimité morale de ses prescriptions et de ses lois, la grandeur et l’éclat de ses actes.

La France, surtout, a toujours demandé à ses gouvernemens un rôle actif, des résultats ; elle ne leur a jamais permis de se retrancher dans une surveillance négative ; sous tous les régimes, dans toutes les situations, elle a voulu qu’on agît et par elle et pour elle ; le gouvernement de Robespierre ne fut pas moins entreprenant et affairé que celui de Louis XIV. En vain vous diriez à la société qu’elle est malade, que ses passions sont difficiles à satisfaire, que le gouvernement ne saurait être chargé du bonheur des masses et des individus. Mais alors pourquoi le pouvoir ? Il est contre la nature des choses que les problèmes et les difficultés que les sociétés offrent à résoudre soient au-dessus des forces humaines ; ce serait nier la bonté de Dieu et la possibilité de l’histoire.

Sans doute il serait plus court et plus commode de restreindre la gestion des affaires publiques à l’égoïsme individuel, de laisser passer et se perdre ceux qui, faute de lumières, sont en train de se ruiner, et de laisser mourir ceux qui ne savent comment vivre. Mais cette manière de gouverner aurait beau s’entourer de formes constitutionnelles, elle ne pourrait ni vivifier ni contenir la société. C’est précisément pour échapper à cet égoïsme du pouvoir, que les nations prétendent un jour se gouverner elles-mêmes, afin qu’un jour le pouvoir qu’elles auront volontairement délégué n’ait d’autres soucis que les intérêts généraux.

Vous étonnerez-vous si la société française est inquiète et tourmentée ? Mais la surprise et le dépit seraient puérils. Vous avez redouté par-dessus tout les excès de la guerre, vous avez aujourd’hui la plénitude de la paix. Les ardeurs généreuses qui n’ont pu s’épancher au-dehors ont reflué au cœur en s’aigrissant.

Les états libres sont calmes au-dedans quand ils guerroient au-dehors ; mais la paix générale les livre toujours aux agitations intérieures.

Aussi il est d’une sage prévoyance d’offrir à la nation, quand elle reste pacifique, les occasions et les moyens de l’activité politique et industrielle. Des réformes dans les lois, des droits politiques nouveaux, de vastes entreprises commerciales, agricoles,