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cessives des établissemens politiques qu’arracher brusquement des institutions nouvelles d’un sol qui n’est pas assez fécondé.

Sous la restauration, la France ne dénonça pas à la monarchie qu’elle voulait la détruire, mais elle l’accusa de ne pas se mettre d’accord avec l’état social. La question était posée d’une façon si judicieuse, qu’elle rallia l’immense majorité, et la révolution eut pour instrumens tous ceux qui l’auraient repoussée, si elle eût été proposée comme but à leurs plaintes et à leurs griefs.

Les partis extrêmes ne s’aperçoivent pas, dans leurs emportemens, que des agressions directes fortifient ce qu’elles ne peuvent abattre, et qu’en niant un gouvernement avec une colère impuissante, on l’affirme d’autant plus ; on lui fournit ainsi l’occasion de prouver sa présence et sa force, et les combats auxquels on le provoque semblent le dispenser de ses devoirs.

Mais si d’un côté les partis extrêmes, pendant ces six années, ont été contre la nature des choses, en ce qui concerne les gouvernemens et l’opportunité des révolutions, le gouvernement, à son tour, a-t-il bien compris la société à la tête duquel il a été mis ? Il n’a pas été vaincu, mais entraîné dans de graves aberrations.

Ainsi on ne s’est pas contenté de nier la république, ce qui était du droit du gouvernement, mais on a nié la démocratie : non-seulement on a repoussé les tentatives d’une nouvelle révolution, mais les réformes législatives et constitutionnelles. Comment se justifier d’avoir confondu la modération et les excès ? Si c’est à dessein, on est immoral ; si la confusion est involontaire, on est inhabile.

Nous avons vu le principe le plus élémentaire de la sociabilité, le principe même de l’association méconnu en 1834, comme il l’avait été en 1807. Punissez l’abus, mais reconnaissez le droit. Le jury a subi de graves altérations, qui, sans fortifier le pouvoir, tendent à dénaturer l’institution même. Enfin le principe de la liberté de l’esprit humain a succombé. Ces faits sont à nos yeux, non-seulement des atteintes à la vérité sociale, mais des fautes funestes à ceux qui les commettent. Les gouvernemens ne peuvent blesser le droit sans se blesser eux-mêmes.

Quelles que soient les circonstances au milieu desquelles agit un gouvernement, il est soumis à la double obligation de ne pas vio-