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contre Louis XVIII. Les coups de main n’ébranlent pas les fondemens des choses.

Les peuples peuvent se plaindre, murmurer, souffrir ; mais ils se déterminent difficilement à la ruine d’un pouvoir qu’ils ont élevé ou reconnu : il n’y a guère que le joug de l’étranger ou le mépris des droits mêmes de l’humanité qui puissent les appeler soudain à l’insurrection ; autrement ils préfèrent la réforme de leur gouvernement à sa chute ; Dieu a mis cette patience dans le cœur des peuples, pour l’honneur et la stabilité des sociétés humaines.

Et dans cette prudence sociale qui ménage le pouvoir au milieu de ses fautes, il y a un instinct profond ; les sociétés sentent qu’au fond le pouvoir est une partie d’elles-mêmes, car la vérité est toujours comprise confusément par les masses. Nous écrivions, il y a cinq ans : « Le pouvoir, philosophiquement considéré, ne saurait se distinguer de la société ; il est un ministère public institué au profit de tous, et qui, par un progrès nécessaire et successif, s’exercera non-seulement pour tous, mais par tous, à des degrés différens. Il ne saurait avoir d’autre titre que son utilité, d’autre légitimité que l’assentiment général. Il n’y a donc pas pour lui d’hérédité en soi et naturellement nécessaire par droit du sang ; mais il peut être profondément utile que ce ministère public soit stipulé héréditaire. Alors l’hérédité politique puise sa raison, non dans le sang et la nature, mais dans l’utilité, le consentement et la liberté de tous[1]. » Et quelle est la conséquence de ces principes, si ce n’est que l’égoïsme est interdit au pouvoir, qui n’est rien par lui-même, et qui doit tout à ceux qu’il représente et qu’il sert. Si la constitution de l’état reconnaît l’hérédité politique, cette hérédité ne sera pas de droit fatal et divin, mais de droit volontaire et contractuel : et par cette royauté démocratique, le principe de la souveraineté nationale ne sera pas violé, mais reconnu.

Entrons dans le fond des choses. Si la France a pour principe la souveraineté nationale et populaire, pourquoi pas aujourd’hui la république ? Pourquoi ? Demandez-le à l’histoire de notre pays et de notre siècle. Eh ! mon Dieu ! nous ne sommes pas rois, ce n’est pas pour nous que nous parlons[2]. Mais la logique ne peut encore

  1. Philosophie du Droit.
  2. Chateaubriand.