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SIX ANS.

radicale la démocratie moyenne, d’accord sur certains points, séparée sur d’autres, mais toutes deux réunies par les sympathies communes de la société humaine et française.

Si ces deux partis étaient vraiment constitués, leur existence serait déjà un progrès pour notre société démocratique, car ils l’exprimeraient avec fidélité. La France est une vaste démocratie à des degrés différens. Quels sont donc les gentilshommes qui ne veulent pas ici être du peuple ? Qui refuse d’être travailleur et citoyen ? Dans la vie politique comme dans les ateliers de l’industrie, les fonctions sont diverses, mais le travail et le droit sont les signes humains et communs. L’homme a droit à tout ce qu’il peut, et il se place par son travail. L’émancipation sociale est une déduction de progrès accomplis et de droits obtenus qui se déroule à travers les siècles ; non que rien ne vienne traverser cette évolution historique, mais toujours elle surmonte les obstacles et reprend la suite de ses développemens.

Au surplus les promoteurs de l’émancipation sociale ont souvent trouvé les plus grands écueils dans leurs pétulances et leurs précipitations, et ils ont fait reculer leur cause de tout l’espace qu’ils voulaient franchir avant le temps. Fautes funestes, car elles amènent une déroute passagère, où sont enveloppées la raison et la justice aussi bien que les prétentions extrêmes.

Napoléon a dit : Tout gouvernement qui n’a pas été imposé par l’étranger est un gouvernement national. Ce mot si juste explique pourquoi les violences qui s’attaquent directement à un établissement politique échouent toujours. Ces agressions sont d’orageux caprices qui viennent expirer devant la nature des choses.

Rien n’est moins arbitraire que l’institution d’un gouvernement. Elle suppose des causes antérieures, des fermens de révolution qui ont long-temps attendu avant d’éclater, un concours nécessaire de circonstances heureuses, le vœu d’une immense majorité. Quand toutes ces raisons et ces convenances s’accordent à poursuivre le même résultat, un gouvernement nouveau usurpe avec rapidité la place de l’ancien.

L’histoire nous apprend aussi que les gouvernemens tombent plutôt sous leurs propres fautes que sous les attaques des partis. Ni le général Mallet n’a détruit Napoléon, ni Berton n’a prévalu