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importantes, mais fort compliquées de détails, sur lesquelles la pairie n’a point de contrôle, attendu qu’elles sont en partie matière de finance. Nous voulons parler des bills qui réduisent le droit de timbre des journaux et fixent le mode et le prix de leur transport par la poste. La discussion de ces lois a fait grand honneur au chancelier de l’échiquier. Elle a prouvé chez lui, non pas un talent d’orateur qu’on lui savait déjà, mais de vastes connaissances financières, une noble franchise et un véritable esprit libéral. Il a levé de lui-même le premier tous les obstacles qu’auraient pu retarder l’exécution immédiate de ces deux bills. M. Grote proposait une modification qui eût établi pour chaque journal une estampille particulière. Ce mode eût fourni le moyen de constater au juste le nombre d’exemplaires que publie chaque feuille ; car, le même timbre étant commun à toutes, les grandes entreprises de la presse, intéressées à grossir leur publicité, achètent du gouvernement plus de timbres en blanc qu’elles n’en peuvent consommer et en cèdent ensuite sous main une portion dans les provinces. M. Spring Rice a montré que cette addition, quoique désirable, retarderait beaucoup la mise en vigueur de l’une des deux lois. Il a promis d’ailleurs de reprendre l’amendement et d’en faire l’objet d’un bill séparé. C’est lui qui a sollicité aussi et obtenu pour l’Irlande une double réduction du droit de timbre, en considération de la pauvreté du pays et de son plus grand besoin de lumières.

Croirait-on qu’au moment même où l’administration whig agissait si libéralement et faisait de si bonne grâce, aux radicaux, ces concessions qu’ils avaient réclamées, ils aient été sur le point de se séparer d’elle et de lui retirer leur appui ? C’est au sujet du bill de réforme de l’église établie qu’a éclaté ce dissentiment de quelques jours entre les deux grandes sections des réformistes, qui a failli donner gain de cause aux tories. Cette réforme de l’église, proposée et arrangée par l’église elle-même, n’était, à la vérité, qu’une moquerie de réforme. On ne pouvait prendre au sérieux une mesure qui, sans laisser un shelling de plus dans la poche du contribuable, se bornait à faire passer quelques milliers de livres sterling des coffres de l’archevêque de Canterbury dans ceux de tel ou tel évêque moins grassement salarié. Comment la finesse de M. Buller et le bon sens de M. Hume n’avaient-ils pas compris que ce bill ouvrait au moins une porte du temple par laquelle on y pourrait rentrer plus tard, afin d’en réformer réellement le luxe scandaleux et les énormes abus ? O’Connell a été plus habile et mieux inspiré. Il a bien senti que le succès de sa cause en Irlande et celui des réformes en Angleterre dépendaient, pour long-temps encore, d’une union étroite et absolue des libéraux de toute nuance ; aussi, dans cette petite querelle de famille, s’est-il activement employé à ramener la paix, et a-t-il soutenu le ministère de toute sa vigueur, comme il faisait peu de jours avant en plein air, sur la place publique de Rochester, comme il fait depuis un an partout envers et contre tous. Du reste cet incident n’a pas eu de suite sérieuse, puisqu’à l’heure de voter la réforme de l’église établie, toute l’opposition des radicaux s’est réduite à la protestation d’une trentaine de leurs membres les plus inflexibles.

F. Buloz.