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dès qu’il s’agit de la gloire des trois royaumes. Cette religion de la patrie doit rester intacte et sacrée au milieu des dissensions politiques. Aussi nous n’hésiterons pas à reconnaître que le général Bugeaud a déployé en Afrique une remarquable vigueur, qu’il a montré plus d’audace et d’initiative qu’on n’avait fait jusqu’alors, qu’il ne s’est pas contenté de chasser l’Arabe devant lui, mais qu’il a voulu le joindre et en finir ; qu’il apprend à nos jeunes soldats à marcher, à s’aguerrir à la continuité des fatigues, et qu’il a fait preuve enfin de belles qualités militaires. Le général a compris qu’il fallait avoir Abdel-Kader mort ou vivant, et qu’une victoire éclatante était nécessaire. Il n’y a plus à s’en dédire, la France est engagée d’honneur à conquérir et à civiliser l’Afrique. Les faits parlent plus haut de jour en jour, et jamais provocation plus directe à l’action et à la gloire ne fut plus hautement adressée par la Providence à une grande nation.

Ce fut une noble pensée que celle qui, après 1830, résolut d’achever l’arc de triomphe de l’Étoile et de l’inaugurer un 29 juillet. Quelle autre journée, en effet, convenait mieux à la consécration du monument ? Le 29 juillet avait remis la France en possession de cette immense gloire militaire des vingt-cinq années de la révolution et de l’empire. La France saura gré au gouvernement qui a conçu cette pensée, et l’a si dignement et si rapidement réalisée. Si l’on est juste, M. Thiers n’aura pas la moindre part dans la reconnaissance publique. On sait que ce fut le ministre qui obtint des chambres les fonds nécessaires, comment il appela à son aide l’élite des artistes, avec quelle ardeur il poussa les travaux. L’inauguration de l’arc de triomphe a eu lieu le jour promis. Quoique les détails en soient d’une haute valeur, c’est surtout l’effet grandiose que produit l’ensemble des sculptures, c’est surtout la richesse, la grandeur et la dignité du monument tout entier qu’il faut admirer. On est fier d’être d’un pays qui a fait tant de nobles choses en un quart de siècle, et en sait si noblement constater le souvenir. Quelle histoire que celle qui vous est donnée à lire dans le registre solennel de ces voûtes colossales ! Quelles pages impérissables léguées à la postérité ! Quel éloquent résumé de nos dernières guerres, que ces simples listes de capitaines illustres et de hauts faits d’armes gravées sur les murs ! Pas une pierre ici qui ne dise un nom glorieux ou une victoire immortelle.

Les quatre larges trophées qui décorent les quatre façades principales sont une digne décoration du monument ; par leur situation sur le premier plan, par leur énorme développement et leur valeur réelle, ce sont les morceaux de sculpture qui attirent et méritent surtout l’attention. Le sujet qu’a traité M. Cortot, c’est Napoléon au faîte de la puissance et couronné des mains de la Victoire : ce n’est pas celui que nous préférons. Le Napoléon de M. Cortot ne satisfait pas ; l’expression de sa figure voudrait être profondément pensive ; elle n’est qu’indécise et vulgaire. Le génie triomphant de l’empereur devait être autrement idéalisé sur cet arc de triomphe dont il est l’ame. Les deux trophées de M. Ettex, en regard l’un de l’autre, sont d’une composition savante, trop savante peut-être. Peut-être l’artiste en a-t-il trop voulu faire deux pendans ; ses groupes opposés se répondent plus symétriquement qu’il ne convenait. Cette ex-