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M. de Hardenberg, nous n’avons pas prétendu établir un parallèle absolu. La différence sensible qui existe entre eux, c’est que le prince de Metternich et M. de Hardenberg furent toujours les hommes de leurs propres idées, l’expression d’un système qu’ils suivirent avec constance et qu’ils appliquèrent à travers tous les évènemens aux deux grandes monarchies qui leur étaient confiées ; ce sont des hommes d’état types, avec une idée fixe dont toute leur vie est le développement. Le prince de Hardenberg, par exemple, s’imposa, dans les relations à l’extérieur, l’agrandissement de l’influence nationale de la Prusse, et dans le gouvernement intérieur la reconstitution des états et de la bourgeoisie prussienne. Le prince de Metternich s’appliqua, surtout depuis 1813, à faire prévaloir son système de médiation armée, d’influence morale par les grands armemens, tandis qu’à vrai dire, le comte de Nesselrode n’a jamais été que le fidèle exécuteur des volontés de ses maîtres ; il a été l’image d’Alexandre, la main intelligente qui a exécuté ses volontés, même les plus excentriques. On pourrait comparer la position de M. de Nesselrode auprès des czars Alexandre et Nicolas à celle des ministres secrétaires d’état sous Napoléon ; l’influence qu’il a exercée résulte de sa vieille expérience, de cette longue habitude des affaires diplomatiques, qui est aussi une grande puissance.

Charles-Albert, comte de Nesselrode, naquit en 1770 d’une famille d’origine allemande ; son père avait été ministre plénipotentiaire de Catherine auprès des ducs de Wurtemberg et de Saxe. La Livonie est une de ces provinces du vaste empire russe qui sont un peu plus germaniques que moscovites ; dans la lutte de la civilisation étrangère contre l’esprit de la vieille Russie depuis Pierre Ier, les gentilshommes de la Livonie obtinrent une sorte de faveur : cette noblesse n’était pas assez allemande pour être complètement étrangère, elle n’était pas assez russe pour entrer complètement dans les mécontentemens moscovites contre les successeurs du czar. De là cette tendance des empereurs à se l’attacher plus spécialement, soit dans le service militaire, soit dans le service administratif.

À l’époque où le jeune Nesselrode étudiait dans le collége des gardes-nobles, à Saint-Pétersbourg, la vieille Catherine finissait son règne sous le protectorat, un peu brutal, de son favori Potemkin. Cette femme si haute, si curieuse à étudier, qui person-