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REVUE DES DEUX MONDES.

S’épanche, il est toujours des cas, en cette vie,
Où l’on peut le verser avec quelque énergie :
Alors que l’étranger tout cuirassé de fer
Sur nos champs désolés passe comme une mer,
Foulant d’un pied sanglant l’herbe de nos campagnes
Et chargeant sur son dos les fils de nos compagnes ;
Quand le bouclier d’or qui doit tous nous couvrir ;
L’honneur de notre nom, est près de se ternir
Ou bien lorsque la loi, violée et maudite,
Répand des flots de pleurs par la ville interdite.
Ah ! voilà le moment, et le sang qui se perd,
À toute la cité du moins profite et sert.
Mais tel n’est pas le train ordinaire des choses,
Ce n’est point pour le juste et pour de belles causes
Que la mort violente aime à faire ses coups ;
C’est pour des vils hochets, des rêves d’hommes soûls,
Une vaine piqûre, une raison folâtre,
Une affaire souvent de luxe ou de théâtre,
Une froide parade, et, sans savoir pourquoi,
Le désir d’occuper les langues après soi.

Vanité, vanité ! je connais ton empire,
Et je retrouve en toi toute notre satire.
Ô fille de l’orgueil ! ô terrible fléau
D’un peuple au cœur sans fiel, mais au faible cerveau !
Toujours ton noir venin distillé sur ma race,
Du haut jusques en bas, en corrompra la masse ;
Toujours, nous ramenant dans un cercle fatal,
Ton souffle changera l’œuvre du bien en mal.
Triomphe donc, ô monstre ! oui, de nos pauvres femmes,
Comme un bouquet de fleurs fane les pures ames,
Fais de leur douce vie un cordeau mal filé,
Au vice dégoûtant vends leur corps maculé,
Jusqu’au dernier degré de l’impure misère,
Tu soutiendras l’éclat de leurs yeux, ô Mégère !
Puis, verse au cœur de l’homme un désir insensé
De dominer le monde et d’en être encensé,