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LETTRES SUR L’ISLANDE.

achevé. Les Islandais qui voyagent savent où il faut le chercher, ils se dirigent là le soir avec leurs chevaux et s’endorment entre ces quatre murs. C’est la tente du désert, c’est le caravansérail des montagnes du Nord. Quelquefois, après avoir traversé pendant plusieurs heures ce sol fangeux et mouvant des marais, ou cette terre calcinée des collines, on est surpris d’apercevoir tout à coup un espace de verdure et un toit de gazon d’où s’échappe un nuage de fumée. C’est une ferme, un bœr. C’est là que demeure la famille du paysan, isolée du monde entier, visitée parfois, dans les beaux jours, par quelques voyageurs, et abandonnée l’hiver à elle-même. Cinq ou six bœr comme celui-là, disséminés à travers les campagnes, composent une commune ayant son maire et son pasteur ; en cherchant plus loin, on trouverait une cabane en terre avec une croix au-dessus : c’est l’église. Puis, il faut dire adieu à ces pauvres oasis, et continuer sa route le long de ces montagnes dont les cimes échevelées attestent encore l’éruption violente qui les a brisées. La plupart des volcans qui ont été enflammés autrefois sont maintenant éteints ; quelques-uns le sont depuis si long-temps, qu’on n’a pas même gardé le souvenir de leurs dernières éruptions. Mais on marche encore sur des bassins que l’on dirait éteints de la veille, sur une cendre épaisse, sur une terre rouge qui ressemble aux débris d’un four à chaux. Au haut d’un de ces cratères, j’ai trouvé l’arabis toute seule, élevant sa tige fragile et ses blanches corolles sur cette terre nue et calcinée. La dernière rose de Thomas Moore était moins isolée ; la pauvre Marguerite de Robert Burns, moins à plaindre.

Si cette terre islandaise porte presque partout une empreinte de désolation, souvent aussi elle présente un aspect grandiose, un caractère sublime. Au-dessus d’une des collines de Reykiavik s’élève un observatoire où les marchands vont se placer pour découvrir au loin leurs vaisseaux. Là, j’ai souvent admiré le vaste panorama qui se déroulait autour de moi ; souvent le soir à onze heures, le soleil était encore sur l’horizon, et ses rayons enflammés se balançaient dans la mer comme une colonne de feu ; la mer était calme, seulement une brise légère plissait en se jouant les vagues bleues qui retombaient ensuite avec mollesse comme une nappe d’argent, ou scintillaient comme des étoiles. À travers ce golfe d’Islande s’élèvent, de distance en distance, des îles couvertes de gazon, et tout autour on aperçoit une enceinte de montagnes dont le sommet se perd dans les nuages. Celles qui sont le plus près de terre ont une couleur bleue limpide que je ne sais comment définir. Ni les montagnes de la Suisse que j’ai parcourues avec les premières impressions de la jeunesse, ni les Alpes que j’ai long-temps contemplées, ni les Pyrénées dont j’ai gravi les cimes les plus élevées, n’ont cette teinte si