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M. Steingrimr nous reçut avec toute la cordialité des hommes du Nord. Tandis qu’il nous faisait les honneurs de son salon, tandis qu’il nous montrait avec empressement ses livres et ses manuscrits, parlant tour à tour latin avec l’un de nous, danois avec un autre, anglais avec un troisième, sa femme préparait elle-même le café, le vin de Porto, et la bière choisie qu’une maîtresse de maison islandaise tient toujours en réserve pour les étrangers. Cette visite avait d’ailleurs un intérêt particulier pour l’évêque et pour nous. M. Gaimard lui avait envoyé la veille divers présens au nom du roi et du ministre de la marine, et nous assistions à l’installation de ces objets dans le salon épiscopal. Je ne saurais vous dire avec quelle satisfaction naïve le digne vieillard contemplait la selle en velours qui lui était destinée, et les tasses en porcelaine de Sèvres rangées sur son armoire. Ce fut bien autre chose quand un de nos compagnons de voyage tira le cordon d’une pendule que nous avions aussi apportée, et que l’instrument caché dans la boîte commença à jouer l’ouverture de Zampa, et l’une de nos walses les plus populaires. Alors il courut avec une joie d’enfant appeler sa femme ; avec sa femme vint la fille d’un de ses amis, et les servantes, qui n’osaient entrer, s’avancèrent jusqu’auprès de la porte ; derrière elles, le garçon de ferme se dressait sur la pointe des pieds pour apercevoir le magique instrument. Tout cela formait un tableau d’intérieur plein de grâce, dont Wilkie eût voulu peindre les détails, et Greuze les bonnes et candides physionomies. Nous passâmes ainsi deux heures à visiter les trésors littéraires de l’évêque, à parler avec lui de l’Islande qu’il connaît bien, de son histoire qu’il connaît encore mieux, et nous sortîmes enchantés de son hospitalité.

Cette hospitalité, nous l’avons, du reste, retrouvée partout, avec moins de luxe extérieur, mais avec la même générosité. Partout où nous nous sommes présentés, dans la maison de l’ouvrier comme dans celle du riche bourgeois, nous avons vu l’Islandais empressé de nous tendre la main, de nous faire entrer dans sa demeure, et sa femme courant en toute hâte chercher ce qu’elle avait de meilleur à nous offrir. Ces jours derniers nous visitions à quelques lieues d’ici la maison d’un paysan. À côté de la chambre qu’il occupait, on nous en montra une autre avec quatre lits réservés pour les voyageurs qui viennent souvent, pendant l’hiver, lui demander asile, et près de la cuisine, une forge où il a lui-même ferré maintes fois gratuitement le cheval du passant. Après nous avoir fait servir du lait et du café, il monta à cheval et nous guida à travers les landes rocailleuses où nous voulions aller, passant le premier les rivières enflées, et prenant nos chevaux par la bride pour les soutenir au milieu de l’eau. Quand il nous quitta après quatre heures de marche, nous nous gardâmes