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liberté, du moi et du non-moi, de l’homme et de la femme, de l’humanité et du monde.

À la suite de ce long détail des choses qui se meuvent aujourd’hui dans des conditions de lutte et d’antagonisme, le Livre nouveau prend le ton épique, pour épancher sur le monde ses plus mystérieux trésors.

« Voici, dit-il, la Genèse nouvelle, historique et prophétique, annonçant ce qui est détruit et ce qui doit être créé, ce qui doit mourir et ce qui doit naître.
« Écoutez !
« J’ai vu dans la nuit des temps anciens des choses merveilleuses.
« La terre disait à Dieu, au sein duquel elle circulait : « Le bien-aimé viendra-t-il bientôt ? »
« Dieu lui disait : « Je ne le susciterai pas encore, car tu n’as pas un arbre à l’ombre duquel il repose ; pas un animal dont la chair ou le lait le nourrissent. L’atmosphère qui te sert de tunique est brûlante.
« Qu’as-tu à lui donner pour le réjouir ? Il cherche des sources fraîches où il puisse se désaltérer, et je ne vois que des flaques d’une eau bourbeuse et amère. Où sont les champs et les trésors qui feraient sa dot ? »
« Et la terre tournait.
« Elle amoncela de gigantesques arbrisseaux, des fougères plus grandes que des hautes futaies, et des roseaux semblables à des sapins. Elle se couvrit de bêtes marchantes, volantes, rampantes, aux membres alongés ; elle enfanta des millions et millions de mollusques. De son sein tirant des trésors, elle les pressa en filons et en couches jusqu’à la surface du sol, mêlant les plus précieux métaux et les plus riches pierreries aux marbres et aux porphyres les plus magnifiques. Cependant l’atmosphère écrasante se changeait en une pluie vivifiante, et elle allait combler les précipices effroyables et restreindre le domaine de la mer.
« Fière alors de son ouvrage, elle se retourna de nouveau vers Dieu, et lui dit : « Viendra-t-il bientôt ? »
« Dieu répondit : « Que viendrait-il faire avec sa vie délicate et ambitieuse, au milieu de cette vie grossière et pauvre que tu as répandue à ta surface ? »
« Et la terre, patiente, enfouit, comme en des magasins, la végétation dont elle s’était fait une première chevelure ; elle retira la vie aux bêtes monstrueuses, aux mollusques informes à qui elle s’était livrée, et la donna à des êtres plus parfaits. La bourbe des eaux forma des montagnes de grès et de schiste, leur sable se changea en couches calcaires, l’at-