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LA PEINTURE ET LA SCULPTURE EN ANGLETERRE.

Cette fois, M. Cattermole s’en prend à un sujet tout sanglant et terrible. C’est le meurtre de l’évêque de Liége, la grande scène du roman de Walter Scott qu’il représente. Beaucoup de parties de cette vaste composition sont dignes d’un haut éloge. Le contraste surtout est magnifique entre la vénérable et paisible figure de la victime sous le sabre du bourreau et la hideuse convulsion des traits de l’assassin. Rarement on avait mieux mis le crime et la vertu face à face. Toutefois, si la verve abonde dans l’exécution, l’énergie déborde peut-être. Le peintre semble manquer un peu de mesure et de discrétion. J’ai peur qu’il n’ait ici abusé de l’horrible, comme, dans la cellule de l’abbé, il avait fait des lys et des roses. Je sais quelle méchante et sauvage compagnie était celle du Sanglier des Ardennes, mais je ne crois pas qu’il n’eût de convives à sa table que les bêtes fauves qui hurlent à l’épouvantable festin où nous convie l’artiste.

Une dernière observation qui s’adresse, non pas seulement à M. Cattermole, quoiqu’il la provoque principalement, mais à plusieurs autres notables peintres de Pall-Mall et même légèrement à M. Lewis.

Une idée téméraire préoccupe évidemment ces artistes estimables. Ils jugent l’aquarelle omnipotente et capable de rivaliser en tout point avec la peinture à l’huile. Bien mieux, hommes conséquens qu’ils sont, ils essaient de fortifier leur dire par leurs œuvres ; nous ne sommes point accoutumés à décourager les tentatives difficiles et hardies ; pourtant nous confessons n’avoir en celle-là qu’une médiocre confiance. Il se conçoit qu’en de certaines occasions l’aquarelle emprunte le secours d’une force et d’une énergie de moyens qui ne sont pas de son essence ; — il ne se conçoit point qu’elle se veuille faire absolument énergique et forte contre sa nature. Du reste, elle peut, s’il lui plaît, étaler un papier égal en dimension aux plus larges toiles ; elle peut le noircir à son aise et le charger de gomme ; mais je tremble qu’elle n’ait le sort de la grenouille envieuse du bœuf. À cet effort immodéré, sans acquérir la puissance de sa rivale, ne perdra-t-elle pas la légèreté, la morbidesse, la transparence, ses qualités principales et essentielles ?

À quoi bon d’ailleurs dépenser son talent en usurpations hasardeuses ? À quoi bon cette rage de déplacer les limites sagement