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dit : « Plus d’esclavage ! » Saint-Simon s’écrie : « Plus d’héritage ! » Après quoi comme la nature, qui fauche des hommes chaque jour, exige un système quelconque de successibilité, l’Exposition y pourvoit et adjuge aux chefs de la doctrine le retour de tous biens, devenus ainsi à la fois communs et main-mortables, à la charge seule, pour le suprême collége, de faire élever les enfans dans une direction professionnelle, de les doter, de les surveiller, de leur tenir lieu de père et d’héritage.

Des vues de législation assez étranges, des critiques générales ou minutieuses sur l’état actuel des sciences humaines, complètent cette première partie de l’Exposition. La seconde partie est plus sérieuse, plus travaillée, plus vaste : elle aborde, quoique toujours sous des termes mystérieux et emphatiques, les problèmes de l’organisation future. C’est là que M. Bazard écrivit et écrivit seul les prolégomènes de la doctrine qui allait passer à l’état de religion. Le dogme, la morale, le culte, s’y trouvent sinon formulés nettement, du moins indiqués de telle sorte, que plus tard cet écrit put fournir une longue série de thèmes aux enseignemens du Globe, aux prédications de la salle Taitbout, et aux orageux débats de la famille de la rue Monsigny. Quand M. Bazard mettait en ordre ce beau et lumineux travail, si nourri de faits et d’études, il ne se doutait pas que le texte en serait plus tard invoqué contre lui, et qu’au bout de cette longue traite, épuisé autant qu’épouvanté du chemin parcouru, il trouverait son collègue Enfantin qui lui crierait : « Marche ! » quand il eût, lui, fait si volontiers une halte.

C’est, du reste, ici le moment, à la veille de la transformation retentissante que va subir le saint-simonisme, de résumer sa foi, telle qu’elle résulte de l’Exposition et des œuvres qui en sont la glose. Il faut seulement laisser à l’écart, comme réservées, les questions qui, dans la suite, soulevèrent des tempêtes.

Commençons par la tête du système : Dieu. Voici le Dieu saint-simonien dans une première définition :

« Dieu est un. Dieu est tout ce qui est ; tout est en lui, tout est par lui ; tout est lui. Dieu, l’être infini, universel, exprimé dans son unité vivante et active, c’est l’amour infini, universel, qui se manifeste à nous sous deux aspects principaux, comme esprit et comme matière, ou, ce qui n’est que l’expression variée de ce double aspect, comme intelligence et comme force, comme sagesse et comme beauté. L’homme, représenta-