Quand Saint-Simon eut écrit son Nouveau Christianisme, sa santé alla dépérissant chaque jour. Réduit à vivre d’emprunts, en proie au besoin et criblé de dettes, il n’en conservait pas moins un calme et une sérénité impassibles. En 1825, le mal redoubla ; pendant deux mois il ne vécut que d’eau et de bouillon. Le corps s’en allait, mais la tête n’avait rien perdu de son activité. Malgré ses souffrances, Saint-Simon s’occupait alors de la fondation d’un journal qui continuât ses doctrines, et prêchant son œuvre, la suivît dans ses développemens. Ce journal était le Producteur que le moribond n’eut pas même la joie de saluer comme le vieillard du cantique. Le 19 mai, il mourut dans les bras de quelques disciples : M. Auguste Comte, son Benjamin, son vase d’élection, qui depuis renia le maître, et M. Olinde Rodrigues, qui glorifia Saint-Simon avec MM. Bazard et Enfantin, puis avec M. Enfantin seul, pour se retirer dans sa tente au jour de la rupture.
Cette mort de Saint-Simon serait demeurée sous le voile, si, plus tard, les disciples alors présens n’en eussent révélé les détails. Leur pieuse affection n’a pas, on doit le croire, rapetissé le héros. Peut-être même a-t-on eu le soin de le draper pour mourir. N’importe, il faut raconter ici comme ils racontent ; le moment suprême a des solennités qui désarment le doute. Saint-Simon sentait la vie le fuir, il rassembla autour de son lit les confidens de ses pensées, et leur dit :
Il se fit alors quelques minutes de silence, après lesquelles l’agonisant ajouta :