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pape, les cardinaux, les évêques et les prêtres cesseront de parler en mon nom, etc.… » Le seul fait qui résulte de cet opuscule, c’est la tendance théosophique du réformateur, déjà fortement accusée. Cette tendance se caractérisa mieux par la suite, lorsque ses travaux de philosophie et d’économie industrielle semblèrent appeler la religion comme leur dernier corollaire.

Mais d’autres ouvrages devaient jalonner cette route. Le premier fut une réponse à un programme de Napoléon. Napoléon avait dit à l’Institut : « Rendez-moi compte des progrès de la science depuis 1789 ; dites-moi quel est son état naturel et quels sont les moyens à employer pour lui faire faire des progrès. » À cette question ainsi posée, Saint-Simon avait répondu d’abord par son Introduction aux travaux scientifiques du XIXe siècle, vaste étude qu’il se sentit lui-même incapable d’aborder, et qu’il réduisit à des proportions plus académiques dans ses Lettres au bureau des Longitudes. Là, comme on le pense, il n’accepta le programme de l’Institut que comme prétexte et comme cadre. Au lieu d’y recevoir l’impulsion, il la donnait ; au lieu de régler le passé, il arrangeait l’avenir ; il faisait de la prophétie quand on lui demandait de la statistique. La pensée fondamentale de ce travail, c’était toujours de pousser les savans vers une œuvre de réorganisation. Il y était dit : « Depuis le XVe siècle jusqu’à ce jour, l’institution qui unissait les nations européennes, qui mettait un frein à l’ambition des peuples et des rois, s’est successivement affaiblie ; elle est complètement détruite aujourd’hui, et une guerre générale, une guerre effroyable, une guerre qui s’avance comme devant dévorer toute la population européenne, existe déjà depuis vingt ans et a moissonné plusieurs millions d’hommes. Vous seuls pouvez réorganiser la société européenne. Le temps presse, le sang coule ; hâtez-vous de prononcer. » Comme gage d’union et de progrès, Saint-Simon concluait en demandant une sorte de magistrature intellectuelle, magistrature d’où est issue, comme dérivation logique, la hiérarchie des capacités, base de la famille saint-simonienne.

Ce travail n’est pas le seul qu’ait laissé Saint-Simon sur ces matières philosophiques. Les Lettres sur l’Encyclopédie, les Mémoires sur la Gravitation et sur la Science de l’homme, se rapportent à cette époque et à cette série d’études.

Pendant que le réformateur poursuivait ainsi une tâche pénible