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On y monte par un rude sentier en zig-zag, et une des portes donne sur la campagne. Ce château a pu être fort autrefois ; les bâtimens sont maintenant tout-à-fait délaissés et tombent en ruines. Mais malgré son état de dégradation, c’est un monument d’architecture moresque intéressant à étudier. On aurait de la peine à y reconnaître un plan, il y règne une confusion complète ; donjons, murs et parapets, tout semble avoir été bâti au hasard ; c’est un grand pêle-mêle où l’œil se perd.

On pénètre de l’intérieur par un couloir oblique et obscur ; on entre dans une première cour ornée de colonnes évidemment romaines, et sur laquelle s’ouvrent plusieurs appartemens dans le style de l’Alhambra de Grenade, et plus exactement de l’Alcazar de Séville, mais bien moins spacieux et moins ornés. Les plafonds, qui sont concaves et sculptés en bois avec une délicatesse extrême, sont encore charmans, quoique à moitié tombés. Le temps aura bientôt achevé d’en consumer les dorures. Les lambris étaient tapissés d’arabesques peintes, mais on a tout passé à la chaux. Les arabesques elles-mêmes ont beaucoup souffert ; le mur est lisse en plus d’un endroit. Les portes, qui ont été sculptées avec le même art que les plafonds, sont vermoulues et hors d’emploi ; du reste, il n’y a rien à fermer, car tous ces appartemens sont abandonnés aux hirondelles et aux palombes. Quand on y entre, elles s’envolent par nuées. Les cours sont pavées de dalles de pierre, quelques-unes avec assez de goût. Je n’ai pas besoin de dire que toutes les portes et toutes les voûtes sont taillées en trois quarts de cercle, coupe sacramentelle de l’arc moresque.

Un escalier dégradé, comme tout le reste, mène aux terrasses supérieures. L’ascension est difficile, mais on est dédommagé de sa peine, en atteignant le faîte, par l’air pur qu’on y respire et le vaste horizon qu’on a sous les yeux. Ces terrasses, dont quelques-unes ne sont pas sans élégance, ne forment point une plate-forme unie, mais sont échelonnées en gradins inégaux, et séparées par les cours intérieures. Comme j’étais là sautant de l’une à l’autre, une de ces cours m’arrêta. Mon regard plongea par hasard au fond ; un spectacle inattendu l’y retint. Cette cour, quoique fort resserrée, était plutôt un jardin ; il y avait au milieu un jet d’eau et de la verdure tout autour : à l’un des angles, un vieil Arabe, accroupi sur ses talons, fumait gravement sa pipe, et il était si complètement