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LE MAROC.

sans phrases, et, la sentence prononcée, elle s’exécute sur place, à l’instant même, sans appel. Dans les affaires correctionnelles, les riches s’en tirent d’ordinaire au prix d’une amende. Ne pouvant payer de leur bourse, les pauvres paient de leur personne, le knout et les étrivières sont leur partage ; suivant la gravité du délit, on les frappe par devant ou par derrière ; l’instrument du supplice est un nerf de bœuf appelé asfil, que les exécuteurs ont coutume de porter sur l’épaule comme les caporaux autrichiens portent la baguette de noisetier pendue au baudrier. Dans aucun cas, on ne peut infliger au patient plus de neuf cent quatre-vingt-dix-neuf coups ; on les compte sur un rosaire. Si c’est un voleur, on lui coupe la main. Il y a, du reste, au Maroc une grande variété de supplices : tantôt on jette le condamné en l’air de manière qu’en retombant il se casse un bras, une jambe ou la tête, suivant la sentence, et les exécuteurs sont si bien dressés, qu’ils ne manquent jamais leur coup ; tantôt on l’enterre jusqu’au cou, livrant sa tête à tous les outrages des passans. D’autres fois on l’enferme vivant dans un bœuf mort, ou bien on l’attache à la queue d’une mule au galop. Souvent encore on lui remplit de poudre le nez, la bouche et les oreilles, puis on y met le feu. Le pal, l’auge, la mutilation des membres, le croc, sont autant de genres divers de cette effroyable pénalité. Mais la loi par excellence, la loi de prédilection est toujours la loi du talion ; on ne manque jamais de l’appliquer toutes les fois qu’elle est applicable. On en cite un exemple récent dont l’idée seule fait frémir. Un charcutier, convaincu d’avoir vendu de la chair humaine frite à l’huile, fut coupé en petits morceaux ; et jetés un à un dans une chaudière bouillante, ces affreux lambeaux étaient donnés aux chiens à la vue de l’agonisant.

Nul homme ne pouvant mettre la main sur une personne de l’autre sexe, il y a une exécutrice des hautes œuvres pour les femmes ; elle se nomme, par anti-phrase, ahrifa, c’est-à-dire tolérante, comme les Grecs appelaient les furies, Euménides, bienveillantes. L’Euménide africaine arrête les femmes, les fouette, les décapite, leur coupe les oreilles ou le sein ; et plus elle est vieille et laide, plus elle se plaît à torturer la jeunesse et à défigurer la beauté. Les exécutions féminines se font en secret.

Le hasard, qui, le jour de mon arrivée, m’avait fait tomber au milieu d’une procession de Iemdoucha, me rendit témoin, le jour