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LA PEINTURE ET LA SCULPTURE EN ANGLETERRE.

exclusif et privilégié de Somerset-House. Conséquemment se sont établies en ces salles, et ont pris possession du terrain, trouvant les deux battans ouverts, des légions de peintures qu’on eût sagement consignées à la porte, partout où la police de l’art aurait eu un factionnaire. Mais ce ne sera pas moi qui condamnerai jamais l’abus même de la liberté. Seulement je profiterai de mon droit d’abréger notre visite et de ne vous présenter que le nombre fort restreint des artistes dignes de l’introduction.

Et d’abord détournons avec soin le regard de quatre ou cinq immenses toiles effroyables, et de je ne sais combien de portraits en pied, qui ont accaparé une bonne partie du salon principal. Les portraits, je vous en avertis, ne sont pas en moindre force à ce bout du Strand qu’à l’autre. Prenez garde surtout aux sheriffs et à leurs robes rouges. Ne laissez pas imprudemment errer votre œil de leur côté.

Allons droit vers le patron de céans, M. Haydon, le robuste et courageux Atlas qui porte presque à lui seul toute l’association sur ses épaules, bien qu’il n’en soit pas lui-même membre officiel. M. Haydon est le grand antagoniste de l’Académie royale qu’il bat en brèche incessamment dans ses lectures publiques ; il l’accuse d’avoir dégradé l’art : elle a, déclare-t-il (et c’est le crime irrémissible), elle a intronisé le portrait et le paysage, et chassé l’histoire du temple. En homme consistant, M. Haydon soutient son dire de son pinceau ; il peint de l’histoire tant qu’il peut.

Or, voici, de sa façon, un sujet historique, ou plutôt religieux : le Christ ressuscitant le fils de la veuve.

L’école anglaise a sobrement exploité le pieux domaine de l’Écriture. La raison en est simple. Le protestantisme fermant son église aux peintures sacrées, quel sanctuaire les accueillerait ? Toutefois le défunt président West a tenté la représentation de quelques scènes du Nouveau-Testament ; mais, quoiqu’il les ait tenues lui-même de son vivant pour chefs-d’œuvre, elles sont demeurées aussi chefs-d’œuvre que ses autres ouvrages profanes.

Son prédécesseur au fauteuil le plus justement célèbre, sir Joshua Reynolds, eut un jour la mauvaise pensée de créer aussi sa Sainte Famille. On la peut voir maintenant dans la Galerie nationale de Londres ; et Dieu sait, à la honte ineffable de l’illustre baronet, quel rôle joue là ce groupe hébété de figures anglaises, rou-