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traités furent le principe direct ou éloigné de toutes les guerres de ce temps. Cette négociation fut le thème de toutes les investigations des publicistes ; il en sortit une guerre qui mit en contact, sur tous les champs de bataille de l’Europe, toutes les illustrations du grand siècle. L’empire et la France, la Hollande et l’Angleterre, en attendaient l’issue avec une égale perplexité ; et pour grandir les tristes scènes qui se jouaient à l’Escurial autour du lit du monarque mourant, derrière les confesseurs et les caméristes on découvrait dans le lointain l’Italie, la Sicile, les Pays-Bas, les royaumes de Colomb, de Pizarre et de Cortez, attendant qu’une signature disputée à une main défaillante décidât sur quel empire le soleil ne cesserait jamais de briller. Unité d’action, universalité des intérêts, grandeur et nationalité du résultat, ce sujet offrait donc à un écrivain français toutes les conditions prescrites par les rhéteurs pour devenir la grande épopée diplomatique des temps modernes, si l’on veut bien me passer le mot.

Une telle entreprise était une œuvre de sagacité et de labeur comme il s’en fait peu dans un temps où les études sérieuses avortent sous les ambitions hâtives, et où l’habitude paraît prise de suppléer par des généralités aux faits que l’on ignore. On ne pouvait penser à livrer à l’impression deux cents volumes in-folio de correspondances et de mémoires ; outre qu’une telle publication était matériellement impossible, elle eût été inutile, car elle n’eût pas vulgarisé la science politique. Il ne s’agissait pas non plus d’écrire un livre, comme il s’en est fait déjà de fort bons, en s’appuyant sur des documens authentiques. Ce qu’il importait, c’était de faire connaître les correspondances elles-mêmes, sinon dans toute leur étendue, du moins dans leur esprit et dans leurs formes, dans ce qu’elles ont de plus individuel. Il fallait initier le public à ces préoccupations de chaque jour, qui font de la vie de l’homme d’état une existence si agitée et souvent si dramatique.

Montrer comment se développe une pensée féconde servie par d’habiles instrumens, comment l’esprit de conduite fait renouer à chaque heure des fils que les évènemens semblent briser ; dégager la politique des abstractions pour l’observer soumise à toutes les influences personnelles, à toutes les variations du tempérament, de l’humeur et du caprice ; faire voir, enfin, ce que la valeur des hommes ôte et ajoute à une situation, tel devait être le résultat