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que ne le demandent le golfe riant où glissent les voiles pacifiques et la falaise pittoresque, tantôt souriante et splendide au soleil, tantôt éplorée et en deuil sous l’orage.

La critique anglaise, quand elle daigne critiquer l’art, a parfois des blâmes et des éloges singuliers. Voici comme elle traitait, l’autre jour, la nature indienne toute spéciale de M. Daniell.

« Nous aimons l’étrangeté des sujets de cet artiste, disait un indulgent aristarque ; elle attire malgré qu’on en ait ; elle procure des contrastes piquans et une agréable variété dans l’exhibition. »

Au contraire, le journaliste mécontent, s’écriait :

« Où avez-vous pris, M. Daniell, les serpens démesurés que vous dévidez ? Rapportez-vous un certificat de leur longueur ? Nous ne savons pas de famille d’arbres orientaux qu’on puisse dire parente même éloignée des vôtres, ni de pagode le moins du monde affiliée à votre architecture. »

Il y a de part et d’autre une sorte de vérité dans cette double critique d’humoristes.

La bizarrerie des effets vous arrête et vous retient devant ces compositions provoquantes de M. Daniell, mais vous ne les examinez guère que comme la fantasque combinaison des figures d’un casse-tête. C’est que l’ardente atmosphère de l’Inde n’est point là ; c’est que cette froide peinture vous transporte mal dans le climat étouffant qui a nourri le choléra. Alors vous devenez défiant et injuste. Vous contestez sans droit de la localité que vous ne connaissez pas. Vous pousseriez presque la mauvaise humeur jusqu’à préférer aux estimables et curieux tableaux de M. Daniell, les piquans, mais impossibles caprices d’un paravent de laque.

Ce nous est toute joie présentement d’en être venus à ces quatre illustres artistes qui ne nous laissent plus d’embarras que celui de les louer dignement. Ce n’est pas entre de pareils hommes qu’il convient d’assigner des rangs. Rechercher et marquer les différences de leurs talens est l’unique tâche imposée ici.

M. Callcott se plaît surtout à baigner de ruisseaux, de larges rivières, les rives fleuries de ses campagnes, les quais brillans et animés de ses villes. Jamais son ciel n’est tout-à-fait pur ; toujours vous le voyez un peu nuageux ; l’horizon est humide, limpide et argenté. Il semble qu’il ait toujours plu la veille sur les paysages de ce peintre, tant l’air y est frais, vivifiant, embaumé.