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pos ; aux fils de Romulus, donnez la puissance, la fécondité et la gloire. Déjà la foi, déjà la paix, déjà la bienséance et l’antique pudeur reviennent parmi nous avec la vertu si long-temps négligée ; les maisons sont devenues chastes, il n’y a plus d’adultère ; les lois et les mœurs ont détruit l’infâme débauche ; il n’y a pas de fautes sans châtiment, et les mères se glorifient d’enfans semblables à leurs époux. »

La littérature, dit-on, est l’expression de la société : l’homme ou la femme d’esprit qui a imaginé cette maxime ne pensait pas sans doute à cette candeur patriarcale de la littérature, à cette poésie de l’âge d’or dans un siècle, dont nous allons chercher à montrer la réalité. Déjà, quand l’Italie, dévorée par la guerre civile, n’avait plus de bras pour cultiver ses champs et donner du pain à ses populations errantes, quand le peu qui restait de laboureurs étaient chassés de leurs champs par les centurions, pendant que les villes de l’Étrurie étaient en flamme et ses campagnes désertes, que disait la littérature :

Tityre, tu patulæ recubans sub tegmine fagi

Voilà comment la littérature réfléchit la société.

Si vous voulez savoir quel était ce siècle, voyez ce qui se passait entre Auguste et lui ; il y avait une lutte entre le prince et Rome. Les patriciens, depuis long-temps accoutumés à regarder comme inviolable la douce liberté du célibat, avaient jeté un cri de terreur à la vue des lois matrimoniales qui leur étaient imposées ; pendant les jeux publics, les chevaliers interpellèrent Auguste d’adoucir sa loi, et pour défendre leur célibat, ils lui citèrent fièrement l’exemple des vestales. « Si vous vous autorisez de leur exemple, vivez comme elles, » leur répondit-il : puis il leur montra les fils de Germanicus, l’orgueil de sa famille et l’espoir de l’empire. Il lui fallut cependant concéder quelque chose au sénat, qui ne s’accommodait ni de la pureté des vestales, ni de la chaste paternité de Germanicus.

Cette loi contre le célibat, qui portait cependant le nom de deux consuls célibataires, ne fut qu’une preuve, et il y en a tant d’autres, de l’impuissance des pouvoirs publics sur les mœurs. Auguste en vint lui-même à plier devant la licence de son temps, et sous Tibère ces lois si belles, dont Montesquieu fait l’éloge, durent être for-