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LES CÉSARS.

attirait toutes les faveurs. Ainsi, d’un côté, les anciennes lois renouvelées contre l’adultère, le divorce restreint ; de l’autre, le mariage commandé et honoré : c’était pour les mœurs tout ce que les lois avaient à faire dans le cercle étroit de leur pouvoir.

À ces efforts pour une restauration officielle de l’antiquité romaine, à ces désirs du maître, naquit, en réponse, un concert de louanges, d’espérance, de moralité et de sentimentalité romaine, enfantées par toute la flatterie de ce temps-là, par toute la cour poétique du César. Il ne faut pas nous étonner s’il ne craignait pas les souvenirs de l’ancienne histoire, s’il permettait à ses poètes de célébrer le noble trépas et l’atroce courage de Caton, si l’agriculture des vieux Sabins, si les fastes de la Rome quirinale, si toute la mythologie de la Rome païenne étaient les sujets de leurs chants ; s’il pardonnait à Tite-Live ses sympathies pour la liberté aristocratique de l’ancienne Rome, et se contentait en riant de l’appeler Pompéien : c’est que dans le fond, il n’avait point à défendre le parti de César.

C’est une merveille comme tous les beaux esprits de ce temps secondèrent à leur manière cette réaction religieuse et morale, qu’Auguste voulait comme d’autres l’ont voulu dans une position pareille, parce qu’après tout possible ou impossible, la position le conseillait aux autres et à lui. Pendant qu’au sénat, il lisait le discours du vieux Métellus de prole creanda, (témoignage qui prouvait au reste combien étaient anciennes les anciennes mœurs, et comme depuis long-temps on se lamentait sur leur décadence), pendant qu’il écrivait sur la table d’airain où il rendait compte de sa vie publique : « J’ai proposé à la république les exemples oubliés de nos ancêtres, » son Horace et son Ovide devenaient de vrais Romains. « Rétablis donc, écrivaient-ils, ô fils de Romulus, si tu ne veux expier innocent les crimes de tes ancêtres, rétablis les temples écroulés de tes dieux, et leurs statues noircies de fumée : soumis aux dieux, tu règnes sur le monde ; oubliant les dieux, tu as appelé des maux affreux sur la malheureuse Italie. Érycine, riante Vénus, mère de notre César ; chaste Diane, toi qui donnes de glorieux enfans aux épouses fidèles ; Apollon, dieu du soleil, puisses-tu dans ta course ne voir rien de plus beau que notre Rome ! Dieux puissans, si Rome est votre ouvrage, donnez des mœurs pures à la docile jeunesse ; à la vieillesse, donnez un paisible re-