Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 7.djvu/100

Cette page a été validée par deux contributeurs.
96
REVUE DES DEUX MONDES.

une bouteille de vin dont il se garde bien d’offrir à ses convives, qui sont ainsi réduits à boire de l’eau ; il est vrai que le vin se vend une piastre la bouteille.

Par ce qu’on vient de lire, on peut se faire une idée exacte de l’état actuel de la république ; il nous reste à faire connaître la position des étrangers au Mexique. Peut-être qu’après avoir exposé les choses telles qu’elles sont, et dit la vérité tout entière, nous serons assez heureux pour faire revenir à des idées plus saines ceux qui seraient encore tentés d’aller chercher fortune dans les nouvelles républiques du Sud.

Le Mexicain, en effet, est plus à craindre pour les étrangers que le vomito qui dépeuple ses côtes et le nord de son golfe. La haine de l’étranger est générale au Mexique, et cette haine est partagée par toutes les classes, de sorte que tous ceux que les circonstances ont déterminés à venir se fixer dans le pays, y sont à peu près traités comme l’étaient les juifs en Europe au moyen-âge : honnis, insultés, persécutés, volés et assassinés, sans que cela tire à conséquence. S’ils se montrent dans les rues, le lépreux mexicain leur jette des pierres, et fait retentir à leurs oreilles les cris de : Dehors les étrangers ! à mort les étrangers ! Les gens appelés décens ne les lapident pas, mais ils excitent la canaille. Cette haine a pour cause principale les préjugés religieux. Les Espagnols ont fait croire autrefois aux Mexicains qu’eux seuls étaient chrétiens, que toutes les autres nations étaient hérétiques, et que par conséquent il fallait les détester et éviter tout contact avec elles. Cette croyance subsiste encore aujourd’hui dans toute sa force, et les étrangers sont généralement regardés comme une race de Caïns, maudite et proscrite à jamais.

Un Mexicain disait un jour à un Français : « Vous autres étrangers, vous n’avez pour vous dans le pays que les femmes et les chiens. » Sans doute, parce que les femmes trouvent les étrangers un peu moins laids et moins disgracieux que leurs créoles basanés et mal faits, et que les animaux s’aperçoivent que ceux-là les traitent avec humanité. Les prêtres combattent autant qu’ils peuvent ce prétendu faible qu’ont les filles d’Israël pour les Amalécites. Malgré cette malédiction dont les étrangers sont l’objet, on rencontre déjà dans le pays bon nombre de jolis enfans aux yeux bleus, aux blonds cheveux, dont la présence témoigne assez que