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REVUE. — CHRONIQUE.

liciter près de notre cabinet l’élargissement des prisonniers de Ham. La pitié anglaise a fréquemment de ces excentricités. C’est ainsi qu’il existe à Londres des associations contre les actes de cruauté envers les animaux, lesquelles se chargent de conduire les moutons à la boucherie dans de petits cabriolets, et ces touchantes confréries n’ont jamais songé de s’associer pour le soulagement des soldats que la noble discipline militaire britannique déchire chaque jour à coups d’étrivières.

Le petit procès scandaleux intenté à lord Melbourne n’a jamais sérieusement menacé la position politique de ce ministre. La moralité de l’aristocratie anglaise, si grande qu’elle soit, n’en est pas à s’effaroucher d’un scandale de plus parmi les siens. Légalement, l’instance aboutira sans doute à faire condamner le premier lord de la trésorerie à des dommages intérêts d’un farthing. Puisse cette légère somme fructifier entre les mains de l’honorable M. Norton, qui, dans l’erreur de la non moins honorable mistress Norton, avait rêvé l’espoir d’un si beau placement en bonnes livres sterling !


Chez nous l’intérêt du spectacle parlementaire ne s’est pas affaibli, parce que la session touche à son terme ; au contraire, à l’approche du dénouement, l’action a été plus animée et plus rapide ; c’est la continuation de l’examen des divers budgets qui a surtout amené les grandes scènes dramatiques.

Il a paru que M. Thiers avait été généreux de discuter sérieusement les vieilles déclamations vermoulues contre l’Angleterre que M. le duc de Fitz-James s’était imaginé rajeunir. Au moins, la belle harangue, longuement prétentieuse, du ci-devant pair a-t-elle eu cet avantage, d’inspirer au président du conseil l’honorable déclaration par laquelle il s’est enorgueilli de son origine populaire, fondant sur l’aveu public et ouvert qu’il en faisait à tous le succès principal de sa nouvelle diplomatie européenne. Et le ministre avait dit vrai, car le lendemain les ambassadeurs approuvaient partout la franchise de ses rapports et confirmaient hautement son témoignage.

Encore tout récemment, à l’occasion d’une mince augmentation de traitement de quelques préfets, contestée par la chambre, M. Thiers avait libéralement plaidé la cause populaire, qui est la sienne. Il avait bien flétri ce système d’économie sordide qui exclut des emplois le talent pauvre, et ferme de fait au peuple les routes que lui avaient ouvertes de droit les conquêtes de 89 et de 1830.

M. Thiers a bien raison d’être fier de son origine : qu’il n’oublie jamais qu’il est sorti du sol révolutionnaire. Cette terre sacrée est sa mère. Elle seule est capable de le soutenir et de le porter. Chaque fois qu’en luttant avec les partis, il s’en est laissé arracher, n’a-t-il pas été soudainement