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venir, quelque chose de trop peu rationnel dans cette faculté donnée par la loi du jury à tous les citoyens éclairés, de pouvoir juger de la vie des hommes, et qui n’allait pas jusqu’à concourir à la nomination de ceux qui font les lois. »

La commission nommée pour examiner le projet n’adopta pas cette combinaison des plus imposés, jusqu’à concurrence du deux-centième de la population ; elle proposa un cens fixe de 240 francs, que l’on présumait devoir donner 191,000 électeurs.

La chambre préféra le cens fixe au système des plus imposés ; mais il fut réduit à 200 francs. Chose remarquable, dans l’ignorance où l’on était des élémens réels d’une telle discussion, la majorité supposait que le cens de 200 francs devait produire 230,000 électeurs. Dans le cas où le nombre des électeurs d’un arrondissement ne s’élèverait pas à 150, la loi appelait pour le compléter les citoyens les plus imposés au-dessous de 200 francs. C’est ainsi qu’il a fallu descendre, dans l’arrondissement d’Argelès (Hautes-Pyrénées), jusqu’au cens de 148 francs, dans celui de Briançon (Hautes Alpes), jusqu’à 128 francs ; et jusqu’à 77 francs dans les arrondissemens de Sartène et d’Ajaccio (Corse).

Aujourd’hui l’adjonction des capacités aux électeurs censitaires serait vivement contestée dans les deux chambres ; mais on ne songeait pas alors à les exclure, et cette exclusion fut le résultat d’un malentendu. L’opposition ayant voté pour l’épuration de la liste, où elle voyait avec regret certaines catégorie de fonctionnaires, la majorité se vengea en rejetant la liste tout entière, à ce cri de ralliement brutal, mais historique : « Enfoncées les capacités. » On ne fit d’exception que pour les membres et correspondans de l’institut, ainsi que pour les officiers en retraite, qui furent admis au droit de suffrage, moyennant un cens supplémentaire de 100 francs.

Depuis cinq ans que la loi du 19 avril 1831 est en vigueur, deux élections générales ont eu lieu ; on peut désormais la juger par ses résultats.

Les listes électorales de 1834 comprenaient 184,216 électeurs. Il ne paraît pas que le nombre des inscriptions ait sensiblement varié en 1835. C’est un peu plus du deux-centième de la population. On remarque une grande inégalité entre les départemens, pour le nombre des électeurs. Ainsi le département de la Seine réunit 16,000 électeurs, la douzième partie du corps électoral, tandis que