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faiblesse des grands hommes, qui ne sont pas assez grands pour mépriser l’envie. Peu sensible aux éloges, la critique le pénétrait de son dard jusqu’au fond du cœur, et jamais l’impression ne s’en effaçait dans son esprit. Il savait tout ce que l’on disait de lui, dans le dernier petit journal de médecine. Il n’oubliait rien de ce qu’on faisait pour lui, mais le mal surtout pesait de tout son poids sur sa poitrine ; il y a des injures et des calomnies dont il a été oppressé, jusqu’à la fin de sa vie.

Ses travers et ses défauts ne l’empêchaient pas d’être, dans les consultations, d’une politesse parfaite avec ses confrères, même les plus jeunes. Il affectait une modestie qui, auprès des familles, laissait au médecin ordinaire toute la confiance dont il avait besoin.

Ce fut le 15 novembre 1833, qu’il fut frappé d’une légère attaque d’apoplexie, à la suite de laquelle on remarqua un peu de paralysie dans la bouche et de difficulté à s’exprimer. En n’entendant plus cette parole animée, précise et pénétrante, sortir avec facilité ; en voyant l’embarras de sa langue à laquelle ne manquait jamais autrefois le mot juste, ses amis, ses nombreux élèves, la faculté de médecine et nous tous enfin, nous sentîmes vivement la perte qui nous menaçait. À force d’instances et de prières, il consentit à quitter pour la première fois ses devoirs et ses travaux. Il partit avec sa famille pour l’Italie, le 24 novembre 1833, et nos vœux l’accompagnèrent sous le beau ciel de Naples et de Rome.

Ce voyage lui fit grand bien, quoiqu’il fût suivi en tous lieux par sa continuelle préoccupation d’esprit ; il écrivit plusieurs fois à ses amis, et je reçus une lettre de lui, datée de Rome, qui ne montre aucun affaiblissement d’esprit.

Il revint en effet dans un état assez satisfaisant, et nous reprîmes un moment de l’espoir. On le vit aussitôt reprendre ses leçons à l’Hôtel-Dieu, et présider un concours de chirurgie à l’École de médecine. Ce fut là probablement qu’une seconde maladie vint compliquer la première ; et par malheur cette maladie, qui était une pleurésie, fut d’abord méconnue, l’attention étant entièrement fixée sur l’affection cérébrale.

Au mois, de juillet 1834, il voulut aller prendre les bains de mer, mais, au bout d’un mois, il revint de Tréport beaucoup plus malade qu’il n’était en partant. L’épanchement avait fait des progrès. Il n’était plus possible de se faire illusion sur la nature du mal ; tous