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ILLUSTRTATIONS SCIENTIFIQUES.
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vous une volonté supérieure à celle de Dupuytren ? lui ne pouvait ne s’y soumettre. Peu de temps après, on fait sur le vivant cette même ligature de la sous-clavière. Et ce n’est pas en France qu’elle est exécutée ! et ce n’est pas à Dupuytren qu’en reviendra la gloire ! qui pourrait dire tout ce qui se passa de tumultueux dans ce cœur brûlé par la passion de la célébrité ? la douleur de Dupuytren dut être bien cuisante, si elle lui fit concevoir le projet de briser cette volonté supérieure qui venait d’arrêter sa main. Quoi qu’il en soit, en 1815, Dupuytren fut nommé chirurgien en chef de l’Hôtel-Dieu, et Pelletan obtint une retraite qu’il ne demandait pas.

Mais avant cette époque, en 1812, il avait triomphé dans une lutte qui lui fit bien plus d’honneur. Par la mort de Sabatier, la chaire de médecine opératoire devenait vacante à la faculté. Un concours brillant eut lieu ; les concurrens étaient tous redoutables. Il suffit de citer les noms de Roux et de Marjolin pour donner une idée des craintes de Dupuytren, et de son triomphe s’il venait à être couronné. Il le fut en effet, et par ses talens et par l’influence de Pelletan[1]. »

« J’ai assisté à ce concours, me disait son plus ancien ami, M. Husson ; j’étais sur le toit de l’amphithéâtre adossé au châssis vitré qui l’éclaire, je plongeais dans la salle et sur les candidats. Jamais je n’ai vu amputer le bras dans l’articulation, et faire la ligature de l’artère poplitée avec plus d’adresse, d’aplomb, de promptitude sans précipitation, que par lui. L’auditoire en demeura étonné, puis une salve d’applaudissemens termina cette épreuve. »

Jamais l’ambition de Dupuytren ne fut satisfaite ; avide de gloire, il avait senti sa supériorité de bonne heure, et son courage ne l’a pas un instant abandonné pour atteindre le but qu’il voyait de loin : « Ce qu’il faut craindre avant tout, disait-il souvent, c’est d’être un homme médiocre ; » et il avait travaillé sans relâche, et il avait fui les douceurs et les plaisirs de la vie, et il s’était condamné à une existence sévère et dure, pour s’élever aussi haut qu’il se sentait de force ; mais son insatiable ambition ne le laissa jamais jouir en repos de sa réputation et de sa fortune ; sa vie s’est consumée à désirer ce qu’il n’avait pas. Prosecteur, il a voulu être chef des travaux anatomiques ; chef, il a voulu être professeur ; second

  1. M. Vidal.