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thies prononcées, ils auraient proclamé la forme républicaine. Ils reculèrent devant des souvenirs hideux, rajeunis par l’admiration d’un parti fanatique qui ne peut imputer qu’à lui-même ses humiliations et ses défaites. Dans les circonstances les plus favorables, ce parti a succombé en Belgique comme en France sous le sceau d’impiété qu’il porte au front ; c’est la civilisation chrétienne qui s’est levée contre lui, et l’a enchaîné comme l’ange de l’abîme.

Mais si le congrès belge proclama la royauté, ce fut en ne lui donnant qu’une part fort exiguë dans les affaires du pays ; il ne lui réserva guère qu’un rôle négatif, se préoccupant plus de la nécessité d’échapper à la république que du soin de constituer la monarchie.

Le pouvoir judiciaire, qui, en France, émane du roi, fut enlevé au monarque en Belgique, ainsi que la nomination des fonctionnaires de cet ordre, laquelle ne s’opère que sur présentation faite par les chambres législatives, par les conseils provinciaux, ou par les cours et tribunaux eux-mêmes[1]. Il ne nomme aux emplois d’administration que sous les exceptions déterminées par la loi et que celle-ci peut étendre (art. 66). Les chambres s’assemblent de droit et sans convocation royale à une époque déterminée (70). La durée de leur session obligatoire est également déterminée par la loi (ibid., § 2). Le roi est sans action, même indirecte, sur le choix des membres du sénat, nommés par les mêmes électeurs que les représentans, et selon le même mode que ceux-ci (83). Enfin l’inviolabilité de la personne royale semble même n’avoir été consacrée qu’avec certaines réserves[2].

On doit savoir gré à un prince d’avoir accepté une telle situation, alors entourée de tant de périls. La Belgique a fait un choix heureux et sage. Elle-même et son monarque ont lieu d’être satisfaits l’un de l’autre. À peine assis sur le fauteuil drapé en trône, Léopold se vit soumis à la plus

  1. Constitution belge, art. 99.
  2. Voyez la constitution belge commentée par M. Plaisant, procureur-général près la cour de cassation. La rédaction de la section centrale portait : le roi est inviolable. On proposa d’y substituer ces mots : la personne du roi, parce que, dit M. Deleeuw, auteur de la proposition, il est important de distinguer entre la personne du chef de l’état et le chef de l’état ; « car, si vous adoptez la rédaction de l’article en disant le chef de l’état inviolable, vous vous liez irrévocablement, et quoi qu’il arrive, vous ne pouvez plus prononcer la déchéance : il serait peut-être dangereux de se lier ainsi. »

    Une autre proposition tendait à faire décider par une cour d’équité, quand il y aurait lieu à la déchéance. Cette proposition fut rejetée, et la première adoptée, avec la réserve et la modification proposée par M. Deleeuw.