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DE LA CONSERVATION D’ALGER.

dans des forts, d’où nos soldats ne pourraient jamais sortir et contempleraient tristement les flots qui les séparent de la patrie. Qu’importe que le drapeau français flotte sur deux ou trois rochers, s’il n’est pas le signe de la puissance et de l’activité, s’il n’annonce pas aux peuples voyageurs qui le saluent en passant de l’Océan dans la Méditerranée, et de la Méditerranée dans l’Océan, que sur la terre d’Afrique le sillon tracé par la France est profond, et qu’elle sait y pousser loin le fer de la charrue et de l’épée ? L’occupation mesquine de deux ou trois points sur le vaste territoire de la Régence est une hypocrisie ou une bévue. Il y a des gens qui désirent l’abandon d’Alger et qui n’osent pas confesser leur pensée ; ils la cachent sous l’apparence d’un séjour militaire aussi restreint que possible, confiant à l’avenir la honte d’un départ qu’ils auront rendu nécessaire. La bonne foi est ici peu vraisemblable, car elle serait idiote. Tout s’accorde à demander à la France un vaste établissement. Si l’on se bornait à occuper deux ou trois points isolés, les colons ne viendraient plus, et ceux qui sont venus seraient sacrifiés : ainsi plus de développement agricole. L’armée perdrait aussi cette admirable occasion de s’aguerrir et de se glorifier. La marine n’aurait plus ces ports et ces rades qui doivent provoquer chez elle tant de progrès et de puissance. Tout meurt avec une chétive occupation ; tout grandit par la volonté d’enfanter une colonie.

Au surplus, il est bien qu’il ne puisse entrer dans la pensée de personne que la France ne féconde pas Alger ; et l’opinion de notre faiblesse trouve chez les individus comme chez les peuples une honorable incrédulité. Cinq années ont passé d’incertitudes, d’irrésolution et d’embarras ; cependant l’activité européenne et française s’empare ardemment de la plage africaine. Des hommes hardis, parmi lesquels on peut citer le prince de Mir, proscrit polonais, MM. Mercier, Saussine et d’autres, ont fondé de grands établissemens agricoles dans la Mitidja. Un village s’élève au point central de Bouffarick ; des usines à vent, à l’eau, à la vapeur, se construisent ; des maisons de banque, de commerce, s’organisent.

Le même mouvement progressif s’est manifesté dans le commerce maritime. En voici le tableau :


Importations. Exportations.
1832. 6,250,920 850,659