Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 6.djvu/578

Cette page a été validée par deux contributeurs.
574
REVUE DES DEUX MONDES.

remarquables. La concurrence étrangère recule donc devant les produits indigènes, à mesure que l’industrie s’attache à reconquérir un terrain qu’elle avait abandonné sans combat.

Ajoutons que, d’après les personnes le plus en mesure de connaître la situation commerciale de la Belgique, et surtout celle de la place d’Anvers, les rapports des fabricans belges avec les colonies de la mer du Sud se rétablissent graduellement sur l’ancien pied, et que presque toutes les maisons néerlandaises opèrent avec cette ville sous pavillon neutre. La Hollande a trop le sens de ses intérêts pour sacrifier à des rancunes politiques des spéculations lucratives. C’est du siége d’une ville hollandaise, de celui de Berg-op-Zoom, je crois, qu’on raconte que les assiégés fabriquaient et vendaient aux assiégeans les boulets destinés à démolir leurs murailles.

La situation de l’industrie en Belgique paraît enfin assez rassurante aux bons esprits de ce pays (et le gouvernement vient, sous plusieurs rapports, de s’associer à cette opinion par la présentation d’un tarif modifié), pour faire repousser, comme inutile et désastreux, le système de haute protection tarifaire, que les fabricans belges réclament en ce moment avec une énergie au moins égale à celle déployée par nos manufacturiers, en demandant le maintien de ce qu’ils considèrent comme un droit acquis.

Or, quelque mal fondées que soient trop souvent les exigences de ces derniers, quelque insoutenables que seraient des prétentions qui voudraient se poser comme éternelles, alors qu’elles ne peuvent, par leur nature, être que transitoires, il est certain que nos industriels sont dans une bien meilleure situation pour réclamer le maintien de la législation protectrice, que les fabricans belges pour en demander l’établissement. La prohibition est la loi de l’industrie, en France, depuis Colbert ; la liberté commerciale est aussi vieille que les Pays-Bas espagnols et autrichiens.

« Hors la toile de Brabant, dit Louis Guichardin dans sa Description des Pays-Bas, ni le prince ni les villes ne peuvent lever aucune gabelle sur quelque marchandise qui arrive au port ou qui en sorte. » Un régime analogue sagement tempéré par des réglemens qui placent le gouvernement de Marie-Thérèse au-dessus des plus éclairés de son temps, dota la Belgique d’une prospérité inexplicable dans son abaissement politique, et sous le coup du blocus maritime imposé à ses ports par la Hollande[1].

  1. M. E. Perret a publié, d’après les documens dépouillés par lui aux archives du royaume, les renseignemens les plus curieux et les plus circonstanciés sur l’administration autrichienne dans les Bays-Bas.