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définitif. Une telle disposition donne à la Belgique une situation provisoire beaucoup meilleure que celle qu’elle est destinée à conserver, puisqu’elle occupe tout le Luxembourg, et qu’elle exerce en ce moment dans le Limbourg, à Venloo et à Ruremonde, tous les droits de la souveraineté, tandis que la Hollande ne tient sur le territoire belge que les forts de Liefkenshoeck et de Lillo. Si pour arriver à un tel résultat, la Belgique a joué de bonheur, il est difficile de trouver que la Hollande ait payé d’habileté.

Peut-être est-il à regretter, pour le nouvel état, que l’effet prolongé de cette convention maintienne des intérêts belges et sans doute aussi des espérances dans des provinces dont le sort est définitivement fixé par le traité du 15 novembre. L’exécution de ses dispositions en ce qui touche aux arrangemens territoriaux et au paiement de la dette dont la Belgique est aujourd’hui dispensée, sera vraisemblablement pour le ministère le signal d’une crise très sérieuse. Les Belges commencent à s’accoutumer à vivre sur le provisoire comme s’il devait être définitif. Ils comptent trop sur l’obstination du roi Guillaume, auquel ils souhaitent longue vie aussi sincèrement que ses plus fidèles sujets de la vieille Néerlande.

Si le gouvernement et la législature acceptèrent des conditions rigoureuses, ils comprirent que la Belgique, commandée sur l’Escaut et sur la Meuse, ne formerait jamais une nation tant que sa vie commerciale resterait à la merci d’un arrêté du roi de Hollande. C’est pour échapper à un état aussi précaire, qui l’eût empêché, malgré les avantages de sa situation, d’organiser sur de larges bases le commerce de transit, cette vieille source de richesses pour les villes anséatiques, que fut conçue l’entreprise hardie du chemin de fer d’Anvers à Cologne par Liége, aujourd’hui en pleine exécution.

Il y a dans ce courage et cette promptitude de résignation quelque chose d’honorable dont un plus grand pays n’eut peut-être pas été capable aux mauvais jours. L’opinion publique s’est avidement saisie de cette pensée, les capitalistes s’y sont associés, les chambres l’ont revêtue de la sanction légale ; elle est passée de la théorie à une réalisation immédiate déjà fort avancée. Il est pénible d’avouer que pendant que l’on prépare lentement à l’une des barrières de Paris un chemin de fer pour amuser les femmes en guise de montagnes russes, la législature belge a voté les fonds d’une route qui embrasse l’ensemble du royaume dans toutes ses directions, et dont le tracé met en communication ses principales villes entre elles et avec sa capitale, leur ouvre des débouchés avec l’Escaut et la mer du nord par Anvers, Gand, Bruges et Ostende, avec la Prusse par Liége et Verviers, avec la France par le Hainaut.

Cette combinaison est trop importante en ce qui touche les rapports po-