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place au moyen de l’échange des enclaves respectives. On garantit aux Belges la liberté de la navigation sur l’Escaut et les eaux intermédiaires ainsi que l’usage des canaux de Gand à Terneuse et du Zuid-Willems-Waart, construits pendant l’existence du royaume des Pays-Bas ; enfin, il fut établi que le partage de la dette aurait lieu de manière à faire retomber sur chacun des deux pays la totalité de celle qui lui appartenait avant la réunion.

La signature des dix-huit articles intervertit soudain tous les rôles. La Hollande, qui avait accepté les bases de séparation, rejeta cet acte ; la Belgique, qui avait repoussé les protocoles de janvier, adhéra à ceux de juin ; et la conférence se trouva placée entre deux projets également formulés par elle et contraires dans plusieurs de leurs dispositions, projets dont chaque partie avait également droit d’arguer contre son adversaire. C’était pour les représentans des cinq puissances une de ces situations fausses auxquelles il n’est pas donné d’échapper lorsqu’on subit l’influence des circonstances sans être en mesure de les dominer.

Les bases de séparation avaient sanctionné les prétentions de la Hollande ; les dix-huit articles consacraient presque toutes celles de la Belgique. Les vingt-quatre articles, délibérés et rédigés sous le coup des importans évènemens survenus en août, furent un terme moyen entre ces deux actes, et comme une transaction imposée pour échapper aux embarras qu’on s’était créés soi-même. Si ce traité consacra de nouveau les principes des dix-huit articles, ce fut en les interprétant dans le sens rigoureux des bases de séparation. C’était faire comprendre à la Belgique qu’elle avait été vaincue, à la Hollande qu’on ne lui permettrait pas de renouveler sa victoire. Le traité du 15 novembre, passé entre les cinq puissances et le roi Léopold, est l’acte qui détermine d’une manière irrévocable les conditions de la vie politique pour la nouvelle monarchie ; il doit donc être apprécié sous ses principaux rapports.

Ce traité prouva que l’Europe jouait un jeu sérieux ; et, en stipulant implicitement l’emploi de mesures coërcitives contre le roi Guillaume, il donna le gage le moins équivoque à la paix du monde. Sous ce point de vue, cette convention a donc une haute importance historique, aussi bien que comme proclamation d’un droit suprême européen. Mais lorsqu’on la considère en elle-même, dans ses dispositions spéciales, elle porte au plus haut degré l’empreinte de tous les embarras du temps, et elle se présente, on doit le reconnaître, avec le caractère d’une transaction provisoire et sans avenir.

Ce traité statue sur trois objets principaux : il règle souverainement et sans appel l’état territorial, le partage de la dette, la liberté des communications de la Belgique avec la mer et avec l’Allemagne.