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LA BELGIQUE.

blentz pour défendre les vieilles institutions de la monarchie, une autre émigration s’opérait en Belgique pour défendre une autre vieille cause. Mais la sanction populaire ne manquait point à celle-ci, et le moyen-âge succomba en Belgique, défendu et pleuré par un peuple au sein duquel l’esprit de cour ne l’avait pas travesti.

La peine de mort fut prononcée à Bruxelles comme à Paris contre ceux qui passeraient les frontières, et cette prescription rendit l’émigration plus nombreuse. Un corps considérable s’organisa dans l’évêché de Liége sur la frontière du Brabant, par les soins de l’avocat Vonck, et sous les ordres du colonel Vandermersch, pendant qu’un autre avocat, Henri Vandernoot, prenant le titre d’agent plénipotentiaire du peuple brabançon, se rendait à La Haye, à Berlin et à Londres, pour essayer d’engager ces trois cabinets dans les intérêts de l’insurrection.

Dans le courant d’octobre 1789, une colonne d’insurgens se dirigeant sur les Flandres, s’empara de Zantvliet et des forts de Liefkenshoeck et de Lillo ; en même temps, le corps principal, opérant dans la province d’Anvers, occupait Hoogstraeten et Turhout. Les populations en masse, ayant en tête la croix paroissiale, ce palladium de nationalité en Belgique comme en Pologne, en Irlande comme en Grèce, grossissaient d’heure en heure les rangs des émigrés. Un corps autrichien ayant voulu déloger Vandermersch de Turhout, fut mis en déroute complète, abandonnant ses drapeaux et son artillerie. Cette victoire sonna le tocsin de l’insurrection d’Ostende à la Meuse ; partout les garnisons impériales furent taillées en pièces ; les villes de guerre et les citadelles tombèrent l’une après l’autre ; et au commencement de janvier 1790, la Belgique, délivrée de la présence de l’étranger, vit s’ouvrir sa première représentation nationale au palais de Bruxelles.

Le Luxembourg seul, entre toutes les provinces, ne prit point part à ce mouvement, et devint la place d’armes de l’armée impériale. Peut-être doit-on remarquer qu’au xvie siècle il était resté également étranger à l’insurrection générale suscitée contre la domination espagnole. Ce n’est qu’en 1830 que le grand-duché a suivi l’impulsion imprimée au reste des Pays-Bas, et s’est activement associé à une cause dont le triomphe a été sanctionné au prix de son morcellement.

Mais la victoire fut pour les Belges le signal de dissensions intestines et d’une insupportable anarchie. Les partis se dessinèrent absolus dans leurs théories, implacables dans leurs haines, également dépourvus d’expérience politique et de lumières, également ignorans de la situation de l’Europe et des véritables intérêts du pays. Cette révolution brabançonne, après avoir un instant étonné le monde, comme une énergique manifestation du vieil esprit qu’il croyait mort, finit par en devenir la risée, et con-