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Le principal inconvénient de cette organisation, dont nous ne croyons devoir retracer que les traits principaux, était, sans doute, d’isoler ces petites provinces et d’annuler l’importance politique du pays. Mais cet inconvénient du système en faisait en même temps la force ; il élevait contre un pouvoir novateur des résistances que la foi des sermens commandait de respecter et que la prudence ordonnait de craindre.

À peine l’édit du 1er janvier 1787 eut-il prononcé la suppression de toute la hiérarchie administrative et judiciaire pour la remplacer par le régime des intendances, changeant toutes les juridictions, expropriant tous les possesseurs de charges de judicature, et déclarant les intendans revêtus d’un pouvoir tel que leurs ordres eussent à être respectés, « quand même ils auraient paru excéder les bornes de leur autorité, » que les provinces entières s’émurent et que les hommes prévoyans se sentirent à la veille d’une révolution.

Tous les états réclamèrent contre de telles nouveautés ; plusieurs rappelèrent à l’empereur que les paroles mêmes de son serment inaugural déliaient d’avance ses sujets de toute promesse de fidélité, s’il était entrepris quelque chose contre les priviléges des provinces. La nouvelle organisation fut déclarée nulle et illégale par les états, les subsides furent refusés, et bientôt l’émeute gronda dans toutes les villes.

Alarmé d’une situation chaque jour plus critique, l’archiduc Albert de Saxe-Teschen, gouverneur-général pour l’empereur, invita une députation à se rendre à Vienne. Joseph II, furieux contre ses sujets des Pays Bas, qui accueillaient ainsi ses vues libérales, dispensa de vagues promesses et fit filer de nombreux régimens sur la Meuse ; il ordonna à ses agens de tenir ferme contre un entêtement qui se dissiperait de lui-même, et à ses généraux de prêter main-forte à ses ordres.

Rien ne se ressemble plus que les révolutions ; il n’y a guère que les noms propres à changer pour en appliquer la théorie à un demi-siècle de distance. Des concessions qui, accordées plus tôt, pouvaient arrêter une crise, faites trop tard, de mauvaise grace et sans bonne foi, restèrent inefficaces. Il fallut les reprendre pour en appeler à la force. Mais ce dernier appui commençait à manquer : les soldats belges désertaient en foule les drapeaux de l’empereur ; une association formidable, sous la devise pro aris et focis, couvrait le pays, trouvant des bras dans les campagnes, des richesses dans les villes, des encouragemens et des bénédictions dans les chaires catholiques.

À l’époque où l’aristocratie française se préparait à se rendre à Co-

    tout que l’organisation administrative de la Belgique diffère de la nôtre, et que ce pays possède véritablement un gouvernement provincial et local.