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un mouvement. L’impulsion a-t-elle été donnée par l’ancien ministère, comme l’assurent quelques-uns de ses membres, retirés aujourd’hui, et leurs amis ; nous ne le pensons pas, nous la croyons même contraire aux vues qu’ils professaient, mais il n’importe encore. E più si move. Nous marchons pourtant. Silistrie s’évacue, l’Autriche annonce la résolution de se mettre sur le pied de paix, on invite les princes français à passer des revues de troupes prussiennes, ce qui n’est ni une faveur, ni un honneur sans doute ; mais ce qui est une marque de déférence et comme un vœu de rapprochement et de conciliation. Or, toutes ces choses-là ne datent ni du 13 mars, ni du 11 octobre ; il faut donc reconnaître qu’il y a quelque changement dans la situation, et comme en même temps la paix intérieure s’affermit chaque jour, il est bien permis d’espérer, ou plutôt on est en droit d’attendre un changement de politique à l’égard de la France. Nous voulons dire un adoucissement à tout l’attirail de rigueurs légué au ministère actuel par le ministère doctrinaire.

En cela, l’opinion publique fait crédit à M. Thiers en ce moment. Les impatiens l’attaquent déjà avec violence ; nous n’imiterons pas les impatiens. Dans la discussion des douanes, par exemple, nous avons cru voir que M. Thiers craignait par-dessus tout de donner prise aux doctrinaires qui se préparaient à sonner l’alarme, et à ameuter contre le ministère tout le parti du monopole et des intérêts établis, parti puissant, il faut l’avouer, et auquel M. Thiers ne serait pas encore en mesure de tenir tête. Il est dans le caractère de M. Thiers d’embrasser franchement sa position, quelque rude qu’il la trouve. Il a donc défendu le système de protection avec une sorte de ferveur, de crainte sans doute qu’on ne défendit contre lui le système de protection ; tactique habile peut-être, guerre ingénieuse sans doute, mais triste guerre, dont la classe nombreuse des industries secondaires paiera les frais. On nous répondra qu’il faut se maintenir, et acheter, par des concessions présentes, les avantages que promet l’avenir. Mais, hélas ! il y a long-temps que nous attendons, et depuis dix ans qu’une loi de douanes n’a été discutée en France, c’est-à-dire depuis le ministère de M. de Villèle, l’esprit public avait fait assez de progrès pour attendre une meilleure loi que la loi votée, il y a quelques jours, par la chambre, avec l’agrément, du ministère du 22 février.

Nous ne sommes pas de ceux qui espèrent des résultats immédiats de l’éloignement des doctrinaires, car nous savons quelle influence ils exercent encore, même en dehors des affaires ; mais nous voudrions bien ne pas attendre dix ans encore un meilleur système commercial, une diminution de rigueurs contre la presse, une mesure générale de grace ou d’amnistie, et tout ce que nous attendons enfin d’un cabinet qui n’aura de