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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

jusqu’aux moindres phases de la destinée qu’il s’était choisie avec un si parfait instinct du bien-être. Là se trouve inscrite presque jour par jour l’histoire de cette société de trois personnes liées ensemble par une amitié vive, le goût des choses élégantes et le besoin de conversations spirituelles et enjouées. Il y a des vers pour tous les petits évènemens dont se formait le cours de cette vie à la fois douce et monotone, sur les peines de la séparation, les ennuis de l’absence et la joie du retour, sur les petits présens reçus ou donnés, sur des fleurs, sur des fruits, sur toutes sortes de friandises, sur des corbeilles d’osier que le poète s’amusait à tresser de ses propres mains, pour les offrir à ses deux amies[1]. Il y en a pour les soupers faits à trois dans le monastère et animés par de délicieuses causeries[2], et pour les repas solitaires où Fortunatus, mangeant de son mieux, regrettait de n’avoir qu’un seul plaisir, et de ne pas retrouver également le charme de ses yeux et de son oreille[3]. Enfin il y en a pour les jours heureux ou tristes que ramenait régulièrement chaque année, tels que l’anniversaire de la naissance d’Agnès et le premier jour du carême, où Radegonde, obéissant à un vœu perpétuel, se renfermait dans sa cellule, pour y passer le temps du grand jeûne[4]. « Où se cache ma lumière ? pourquoi se dérobe-t-elle à mes yeux ? » s’é-

  1. Fortunati lib. viii, carm. 2, de itinere suo, cùm ad domnum Germanum ire deberet, et a domna Radegunde teneretur. Lib. viii, carm. 10, ad domnam Radegundem de violis et rosis ; 12, ad eamdem, pro floribus transmissis. lib. xi, carm.7, ad Abbatissam et Radegundem, absens ; 17, de munere suo ; 21, de absentia suâ ; 26, de munere suo ; 27, de itinere suo ; 28, aliud de itinere suo. — Voyez le Cours d’histoire moderne de M. Guizot, année 1829, 18e livraison.
  2. Blanda magistra suum verbis recreavit, et escis,
    Et satiat vario deliciante joco
    .

    (Fortunati lib. xi, carm. 25.)

  3. Quis mihi det reliquas epulas, ubi voce fideli,
    Delicias animæ te loquor esse meæ ?
    A vobis absens colui jejunia prandens,
    Nec sine te poterat me saturare cibus
    .

    (Ibid., carm. 16.)

  4. Ibid., carm. 3, de natalitio Abbatissæ ; 5, ad Abbatissam de natali suo. lib. viii, carm. 13, ad domnam Radegundem, cùm se recluderet ; 14, ad eamdem cùm rediit. lib. xi, carm. 2, ad domnam Radegundem quandò se reclusit.