Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 6.djvu/301

Cette page a été validée par deux contributeurs.
297
NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

L’usage fréquent du bain dans de vastes piscines d’eau chaude, des amusemens de toute sorte, et entre autres le jeu de dés, étaient permis[1]. La fondatrice et les dignitaires du couvent recevaient dans leur compagnie, non-seulement les évêques et les membres du clergé, mais des laïques de distinction. Une table somptueuse était souvent dressée pour les visiteurs et pour les amis ; on leur servait des collations délicates, et quelquefois de véritables festins, dont la reine faisait les honneurs par courtoisie, tout en s’abstenant d’y prendre part[2]. Ce besoin de sociabilité amenait encore au couvent des réunions d’un autre genre. À certaines époques, on y jouait des scènes dramatiques, où figuraient, sous des costumes brillans, de jeunes filles du dehors, et probablement aussi les novices de la maison[3].

Tel fut l’ordre qu’établit Radegonde dans son monastère de Poitiers, mêlant ses penchans personnels aux traditions conservées depuis un demi-siècle dans le célèbre monastère d’Arles. Après avoir ainsi tracé la voie et donné l’impulsion, elle abdiqua, soit par humilité chrétienne, soit par un coup d’adresse politique, toute suprématie officielle, fit élire par la congrégation une abbesse, qu’elle eut soin de désigner, et se mit, avec les autres sœurs, sous son autorité absolue. Elle choisit, pour l’élever à cette dignité, une femme beaucoup plus jeune qu’elle et qui lui était dévouée, Agnès, fille de race gauloise, qu’elle avait prise en affection depuis son

  1. De balneo verò… pro calcis amaritudine, ne lavantibus noceret novitas ipsius fabricæ jussisse domnam Radegundam, ut servientes monasterii publicè hoc visitarent donec omnis odor nocendi discederet… De tabula vero respondit, et si lusisset vivente domna Radegunde, se minus culpa respiceret : tamen nec in regula per scripturam prohiberi, nec in canonibus retulit. (Greg. Turon. Hist. lib. ix, pag. 374)
  2. Atque sæculares cum abbatissa reficerent… De conviviis etiam ait se nullam novam fecisse consuetudinem, nisi sicut actum est sub domna Radegunde. (Ibid., pag. 374, 375.)
  3. De palla holoserica vestimenta nepti suæ temerariè fecerit : foliola aurea, quæ fuerant in gyro pallæ, inconsultè sustulerit, et ad collum neptis suæ facinorosè suspenderit : vittam de auro exornatam eidem nepti suæ superfluè fecerit barbatorias intùs eò quod celebraverit. (Ibid.) — Mabillon, Annales Benedictini, tom.  i, pag. 199.