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de ses vertus chrétiennes et peut-être aussi par l’éclat de son rang. La plupart étaient de race gauloise, et filles de sénateurs[1]. C’étaient celles qui, par leurs habitudes de retenue et de tranquillité domestique, devaient le mieux répondre aux soins maternels et aux pieuses intentions de leur directrice ; car les femmes de race franke portaient jusque dans le cloître quelque chose des vices originels de la barbarie. Leur zèle était fougueux, mais de peu de durée ; et, incapables de garder ni règle ni mesure, elles passaient brusquement d’une rigidité intraitable à l’oubli le plus complet de tout devoir et de toute subordination[2].

Ce fut vers l’année 550 que commença pour Radegonde la vie de retraite et de paix qu’elle avait si long-temps désirée. Cette vie selon ses rêves était une sorte de compromis entre l’austérité monastique et les habitudes mollement élégantes de la société civilisée. L’étude des lettres figurait au premier rang des occupations imposées à toute la communauté : on devait y consacrer deux heures chaque jour ; et le reste du temps était donné aux exercices religieux, à la lecture des livres saints et à des ouvrages de femmes. Une des sœurs lisait à haute voix durant le travail fait en commun ; et les plus intelligentes, au lieu de filer, de coudre ou de broder, s’occupaient dans une autre salle à transcrire des livres pour en multiplier les copies[3]. Quoique sévère sur certains points, comme l’abstinence de viande et de vin, la règle tolérait quelques-unes des commodités et même certains plaisirs de la vie mondaine.

  1. Multitudo immensa sanctimonialium, ad numerum circiter ducentarum, quæ per illius prædicationem conversæ vitam sanctam agebant, quæ secundum sæculi dignitatem, non modò de senatoribus, verum etiam non nullæ de ipsa regali stirpe hac religionis forma florebant. (Greg. Turon. lib. de Gloria confessorum, cap. cvi.)
  2. Greg. Turon. Hist. de Chrodielde, moniali filia Chariberti regis, et de Basina, filia Chilperici, lib. ix, pag. 354 et seq.De Ingeltrude religiosa et Berthegunde ejus filia, pag. 351 et 359. — De Theodechilde regina, lib. iv, pag. 216.)
  3. Omnes litteras discant. Omni tempore duabus horis, hoc est a mane usque ad horam secundam lectioni vacent. Reliquo vero dici spatio faciant opera sua… Reliquis vero in unum operantibus, una de sororibus usque ad tertiam legat (Regula S. Caesariae apud Annales francor. ecclesiast. tom.  i, pag. 477.) — Acta sanctorum Augusti, tom.  iii, pag. 61.