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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

troupes du roi Hilperik, et reprise coup sur coup par celles de Sighebert. L’année suivante, Theodebert, fils aîné de Hilperik, fit sur les bords de la Loire une campagne de dévastation, qui, frappant de terreur les citoyens de Tours, les contraignit pour la seconde fois à se soumettre au roi de Neustrie[1]. Il paraît que Leudaste, pour essayer de refaire sa fortune, s’était engagé dans cette expédition, soit comme chef de bande, soit parmi les vassaux d’élite qui entouraient le jeune fils du roi.

À son entrée dans la ville qu’il venait de réduire sous l’obéissance de son père, Theodebert présenta le ci-devant comte à l’évêque et au sénat municipal, en disant qu’il serait bien que la cité de Tours rentrât sous le gouvernement de celui qui l’avait régie avec sagesse et fermeté au temps de l’ancien partage[2]. Indépendamment des souvenirs que Leudaste avait laissés à Tours, et qui étaient bien faits pour révolter l’ame honnête et pieuse de Grégoire, ce descendant des plus illustres familles sénatoriales du Berri et de l’Auvergne ne pouvait voir sans répugnance s’élever à un poste aussi rapproché du sien un homme de néant, qui portait sur son corps la marque ineffaçable de son extraction servile. Mais les recommandations du jeune chef de l’armée neustrienne, de quelque déférence qu’elles parussent entourées, étaient des ordres ; il fallait, dans l’intérêt présent de la ville menacée de pillage et d’incendie, répondre de bonne grace aux fantaisies du vainqueur, et c’est ce que fit l’évêque de Tours avec cette prudence dont toute sa vie offre le continuel exemple. Le vœu des principaux citoyens sembla ainsi d’accord avec les projets de Theodebert pour le rétablissement de Leudaste dans ses fonctions et ses honneurs. Ce rétablissement ne se fit pas attendre, et, peu de jours après, le fils de Leocadius reçut du palais de Neustrie sa lettre royale d’institution, diplôme dont la teneur officielle jurait d’une manière assez étrange avec ses antécédens et son caractère :

« S’il est des occasions où la clémence royale fasse éclater plus

  1. Pervadente igitur Chilperico rege per Theodobertum filium urbem Turonicam, cum jam ego Turonis advenissem… (Greg. Turon. Hist. lib. v, pag. 261.) — Voyez la seconde de ces Lettres, 15 décembre 1833.
  2. Mihi a Theodoberto strenuè commendatur, ut scilicet comitatu quem prius habuerat, potiretur. (Ibid.)