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DE L’ESCLAVAGE AUX ÉTATS-UNIS.

impossible parce que l’esclave ne possède rien, il fait voir que les deux dernières entraînent beaucoup de difficultés, puisqu’elles atteignent la fortune du maître. Dans les cas très rares où l’esclave encourt la peine capitale, la société, qui doit alors rembourser sa valeur au propriétaire, est disposée à un acquittement par économie, tandis que si l’esclave est vieux et infirme, la sévérité du maître vient de ce qu’il espère obtenir, par une condamnation à mort, une indemnité équivalente au prix d’un bon nègre. Or, ni la société, ni le propriétaire, ne veulent faire un mauvais marché. Il faut, cependant, ajoute M. de Beaumont, des peines contre l’esclave, des peines sévères dont on puisse faire usage à chaque instant. Où les trouver ? Voilà comment la nécessité conduit à l’emploi des châtimens corporels, c’est-à-dire de ceux qui sont instantanés, qui s’appliquent sans aucune perte de temps, sans frais pour le maître ni pour la société, et qui, après avoir fait éprouver à l’esclave de cruelles souffrances, lui permettent de reprendre aussitôt son travail.

D’après un principe universellement admis en matière criminelle, les peines doivent être fixées par la loi. Cependant les lois américaines abandonnent, en général, à la discrétion du juge, le châtiment de l’esclave.

Un autre principe non moins sacré, c’est que nul ne peut se faire justice à soi-même, et que quiconque a été lésé par un crime doit s’adresser aux magistrats. Cette règle est formellement violée par les lois de la Caroline du Sud et de la Louisiane, qui confèrent au maître le pouvoir discrétionnaire de punir ses esclaves soit à coups de fouet, soit à coups de bâton, soit par l’emprisonnement. Ainsi, le maître est partie, juge et bourreau.

Pour la répression des esclaves, les principes du droit commun seraient funestes et les formes de la justice régulière impossibles. S’il fallait soumettre tous les méfaits du nègre à l’examen du juge, la vie du maître se consumerait en procès. D’ailleurs le jugement du tribunal est quelquefois incertain et toujours lent. Les annales judiciaires ne contiennent donc qu’un fort petit nombre de sentences rendues contre des noirs.

M. de Beaumont termine ainsi bien dignement un de ses plus beaux chapitres : « N’est-ce pas un magnifique témoignage en faveur de la liberté de l’homme, que l’impossibilité d’organiser la servitude, sans outrager toutes les saintes lois de la morale et de l’humanité ? »

Depuis qu’une querelle d’argent, ou pour mieux dire de fierté nationale, s’est élevée entre la France et les États-Unis, nos publicistes se plaisent à remarquer le contraste des lois républicaines de cette démocratie avec la condition de ses esclaves. Il y a, dans ces récriminations, une partialité dont un juste retour sur nous-mêmes, et les plus simples notions sur le pays qui nous semble si coupable, devraient nous guérir.

M. de Tocqueville a parfaitement exposé, dans un ouvrage qui honore