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LE SALON.

qu’a représenté M. Debay ; par conséquent c’est une nature faible, encore indécise, et dont les proportions ne sont pas développées. Ce genre d’étude est nouveau en sculpture.

Le modèle de vase de M. Triqueti est une imitation curieuse. Le buste de la baronne de G…, de M. Ruoltz, est charmant. Je dois citer celui de Philippe V, de M. Lescorné ; celui de Mme de Fitz-James, de M. Foyatier ; et celui de Bellini, de M. Dantan. Le Chactas de M. Duret est une composition poétique, vraie d’expression, et belle d’exécution ; la tête est admirable.

J’arrive à la Vénus de M. Pradier, et j’avoue qu’il m’a été impossible de ne pas me presser d’y venir. Ce groupe me paraît si charmant, que j’aurais peur de commettre un sacrilége en disant ma pensée tout entière. Non-seulement je le trouve d’une parfaite exécution, mais la pensée m’en semble délicieuse. Cette Vénus, presque vierge encore, mais déjà coquette et rusée, qui se penche sur cet enfant boudeur, et l’interroge, capricieuse elle-même, sur un caprice léger : cette main qui se pose sur la tête chérie, plonge dans les cheveux, et invite au baiser ; cette bouche de l’enfant qui rêve, et refuse de répondre pour se faire prier ; ces petites jambes, vraies comme la nature, où le marbre semble animé ; tout m’enchante ; je me sens païen devant un si doux paganisme. Il y a là de quoi passer un jour, et oublier que la laideur existe. Pris seulement comme une étude, comme le portrait d’une femme et d’un enfant, ce marbre serait un morceau précieux, plein de grâce et de vérité. Car notez que, sauf la ligne grecque qui unit le nez avec le front, la Vénus est une femme de tous les temps et de tous les pays, ce qui, à mon sens, est un grand mérite ; mais je serais bien fâché que M. Pradier eût appelé son groupe autrement que Vénus et l’Amour ; car je vois là le parfait symbole de la Volupté et du Caprice, non de la Volupté grossière, ivre, échevelée, comme on nous la fait, mais délicate, sensuelle et un peu pâle, intelligente et pleine de désirs ; non du Caprice effréné, furieux, qu’un rien déprave, et que tout dégoûte, mais rêveur, jeune, avide de jouissance, tendre pourtant, et aimant sa mère, sa fraîche nourrice, la blanche Volupté.

vi.

Je remonte maintenant dans la salle, pour dire un mot des Pêcheurs de Robert.