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REVUE DES DEUX MONDES.

L’Angelus du soir, de M. Bodinier, est une composition suave et pleine de mélancolie. Les teintes du soleil couchant, la sombre verdure de la campagne, les chiens blancs, le vieillard à genoux, le troupeau, tout est bien rendu. J’aime surtout ce berger debout, dont la tête se détache en noir sur l’horizon. C’est une idylle que ce petit tableau. Le sentiment qu’il éveille est si vrai, que la scène qu’il représente semble familière à tout le monde ; cependant elle était difficile à exécuter. Les Napolitaines sont de bonnes études ; mais ce sont trop des études seulement. Le Repos à la fontaine a le même mérite que l’Angelus, quoiqu’à un degré moins éminent ; en somme, parmi tant de peintres que l’Italie a inspirés, M. Bodinier, à côté de Robert, de Schnetz et d’Horace Vernet, a su se marquer une place choisie. On ne peut ni l’oublier ni le confondre, et ne forçant jamais son talent, chaque tableau signé de lui est reconnu et adopté de tous.

La grande toile de M. Larivière ne me plaît pas, et j’en ai du regret ; car c’est un immense travail dans lequel il y a de bonnes parties. Mais j’ai beau faire, ces grandes parades m’attristent, et je les laisse à plus robuste que moi.

J’entreprendrai cependant de parler des batailles de M. Horace Vernet, et, quoiqu’elles soient passablement longues, j’y adjoindrai celle de Fontenoy. Ce n’est pas là une petite affaire ; mais je tâcherai d’être plus court que lui.

J’ai dit, en commençant cet article, que tout succès populaire prouvait, à mon avis, un incontestable talent. Il m’est impossible, en ceci, de partager une opinion émise autrefois dans la Revue des Deux Mondes. Je ne puis comprendre par quelle raison une foule qui se renouvelle sans cesse, dont les jugemens sont si variables, et que tant d’efforts cherchent à attirer de tous côtés, se donnerait le mot pour admirer au hasard, entre mille, un homme que rien ne distinguerait de ses rivaux. Si on prétend que la politique et la passion s’en mêlent, je le veux bien ; mais cette passion et cette politique, n’y a-t-il qu’un seul homme qui cherche à les flatter ? Lorsque M. Horace Vernet, en butte à une censure odieuse, ouvrit les portes de son atelier, je conviendrai certainement que la circonstance lui fut favorable ; mais quoi ! n’y avait-il que lui ? Le général Lejeune, par exemple, qui pense maintenant à ses tableaux ? ils ont eu un succès d’un jour ; pourquoi ne parle-