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LA PRESSE FRANÇAISE.

qu’ils avaient combinées dans le but de propager des vérités utiles. — Romans de mœurs, 25. C’est ainsi qu’on appelle ceux qui affichent sur leur titre la prétention de peindre les mœurs du jour. — Romans épisodiques, 55. Nous entendons désigner ces livres sans but et sans style, qui ne sont qu’une série de situations grossièrement soudées l’une à l’autre, jusqu’à formation d’une trentaine de chapitres en deux ou quatre volumes. — Recueils de Nouvelles, 19, dont 6 collectifs. Enfin des romans épistolaires, satiriques, fantastiques, genres délaissés, qui ne fournissent pas plus de 10 ouvrages.

Le contingent de la dernière année a été fourni par 133 écrivains, dont la liste présente plus de 40 noms nouveaux. Les femmes y figurent pour 27, c’est-à-dire dans la proportion de un à cinq. La réunion de tant d’efforts aura-t-elle produit un seul livre achevé, une création assez puissante pour braver l’analyse sévère qui vient après ce premier petit bruit qu’on est convenu d’appeler un succès ?

À notre avis bien peu d’exceptions doivent être faites. En tête de ces exceptions se placent d’eux-mêmes les noms de George Sand et d’Alfred de Vigny. En contraste avec Leone Leoni, une de ces figures qu’il faut oser peindre quelquefois et rendre effrayantes par leur nudité même, George Sand a placé André, dont le sujet est suave. Ce dernier livre prouve que la véritable séduction exercée par l’auteur tient à la netteté de l’observation, à la franchise du style, et surtout à cette chaude et abondante lumière qui vivifie toujours son œuvre. Sous le titre de Servitude et Grandeur militaires, M. Alfred de Vigny nous a donné une nouvelle trilogie, digne de Stello. Des trois épisodes qui la composent, deux, Laurette et le Capitaine Renaud, sont d’une lecture entraînante, qui ne laisse pas de prise à la critique ; quoique d’une conception plus faible, la Veillée de Vincennes offre encore aux lecteurs d’un goût délicat l’intérêt d’une exécution irréprochable, mérite fort rare aujourd’hui.

Dans ce chiffre de 133 producteurs qui ont défrayé l’année 1835, il serait injuste de ne pas distinguer M. Frédéric Soulié, qui a fait preuve d’invention dramatique dans son Conseiller d’État ; il est à regretter que cet écrivain chaleureux se préoccupe si peu de la forme. Quant à M. Balzac, il n’a complété que deux nouvelles, le Père Goriot, d’une réalité commune, et Séraphîta, pastiche de Swedenborg, que personne n’a essayé de comprendre.

Un éternel sujet de lamentations, pour les écrivains qui ont l’incontestable mérite de ne livrer jamais que des œuvres étudiées, est la prospérité de certains hommes d’une incapacité choquante. C’est qu’il en est du commerce littéraire comme de beaucoup d’autres. Le marchand qui imagine des objets de luxe, court chance de ruine, tandis qu’il voit riche et