Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 5.djvu/96

Cette page a été validée par deux contributeurs.
92
REVUE DES DEUX MONDES.

Ce royaume a, en effet, une législation spéciale. Les femmes n’y succèdent pas à la couronne, et, à la mort de Guillaume iv, il sera détaché de l’Angleterre, peut-être pour toujours. Ici la même raison, la nécessité du consentement du chef de l’état, peut être opposée au colonel Frédérik-Auguste d’Este. De plus, les lois écrites et le droit coutumier exigent également, dans tous les états allemands, égalité de naissance (ebenburtigkeit) dans le mariage des princes, et cette condition manque à l’union formée par le duc de Sussex. Les prétentions du colonel d’Este, inadmissibles dans le royaume-uni, trouvent donc un obstacle de plus sur le continent.

Ce mémoire, plein de faits curieux, traité avec la science soigneuse des publicistes allemands, est clair, concis, et jette un grand jour sur la question.

Kaiserlieder (Poésies impériales), par le baron Gaudy, 1 vol. Leipzig

Le destin réservé à la mémoire de Napoléon est peut-être le fait qui plaiderait le plus puissamment pour l’existence de lois fatales dans l’histoire de l’humanité. On ne peut nier que l’homme du siècle n’ait traité les peuples comme s’il eût été convaincu qu’ils n’admirent que celui qui les peut mépriser, et n’obéissent que lorsqu’ils craignent. L’Allemagne surtout a été foulée et remaniée par Napoléon de la manière la plus orgueilleuse. Il a travaillé pour l’avenir des nations germaniques, mais sans daigner leur confier ses vues ni ses espérances, et assurément ces nations ne le devinaient guère. Et pourtant, sans l’initiation d’une révolution populaire, sans changement dans le système des alliances européennes, l’Allemagne, qui haïssait Napoléon il y a vingt ans, est peut-être en ce moment le pays où cette haine soit expiée par l’admiration la plus naïve, admiration qui se monte à l’enthousiasme, comme tout ce qui doit durer chez les Allemands. Qui a rendu populaires au-delà du Rhin ces bustes, ces statuettes, ces images naïvement grossières, ces légendes, contes, recueils d’histoires, pour lesquels a servi un seul modèle, Napoléon ? Quel entraînement pousse les Allemands à dévorer la bibliothèque entière des mémoires relatifs à Napoléon, au point que la science de la vie du héros est presque devenue chez eux une érudition spéciale, une nouvelle branche d’histoire, et que, sans les gouvernemens, on verrait probablement s’élever des chaires pour l’enseignement de cette nouvelle science, comme on le vit en Italie pour le poème de Dante ? Je n’exagère point dans mes prévisions ; car, dans la capitale même de la Prusse absolue, M. Gans, célèbre jurisconsulte, cédant à ce besoin occulte et général, usa de la liberté accordée aux professeurs d’université,