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certains gouvernemens, pour surveiller plus facilement les jeunes gens, ont transporté dans leur capitale la principale université. Le résultat le plus net sera une action réciproque et incessante de la population sur les étudians, et de ceux-ci sur la population livrée jusqu’alors à l’unique influence des brillantes garnisons. Or, la population d’une capitale est à ménager, pour les hommes d’intelligence, tout autrement que les bourgeois des provinces. Ce ne sont plus là les Philistins des petites villes. C’est des citoyens des capitales que les étudians apprendront la vie pratique en échange d’idées que les officiers gentillâtres ne répandent pas d’ordinaire. Ce sera une inévitable initiation à la vie réelle, qui n’est pas celle des petites universités tapageuses, quoique l’auteur du Deutsche Student, en véritable Allemand qui se contente d’un à-peu-près sous ce rapport, oppose cette existence à la vie d’étude et de spéculation. Quand le temps d’une révolution viendra, si toutefois la révolution est nécessaire, elle aura été préparée par l’intelligence de la jeunesse ; elle débordera du cœur de l’état. Ce ne sera plus une déplorable émeute de loges académiques, mais l’entraînement de ce centre de volonté et d’action qui fait tout dans les états modernes.

Quel que soit l’avenir des universités allemandes et de l’Allemagne sur laquelle ces universités ont tant influé, c’est une étude fort intéressante que celle de ces mœurs d’exception, mélange de brutalité, de politesse, de barbarie du moyen-âge et de haute civilisation, qui se sont conservées jusqu’à nos jours dans leur bizarre originalité. Je ne pense pas qu’on ait trouvé encore un guide aussi exact et aussi instruit dans cette matière que M. de S. Sa fable, très nue, est attachante à force de naturel, et pourrait bien n’être qu’un centon d’aventures véritables éprouvées par divers individus. L’auteur, quoique très ami de la licence académique, est très moral. À une époque de prospérité littéraire, les gens d’un goût délicat regarderaient peut-être ce livre comme une honnête et loyale platitude ; de nos jours, où l’on n’a pas le droit d’être si dédaigneux, c’est une production amusante et surtout curieuse.

Europoeische Sittengeschichte, etc. (Histoire morale de l’Europe), par Wachsmuth, tome iii, première section, contenant l’histoire de la suprématie pontificale ; Leipzig.

M. Wachsmuth poursuit sans grand bruit, mais avec utilité, la série de ses entreprises historiques. Il n’embrasse pas moins, dans son désir, que le faisceau immense de l’histoire universelle. Ses publications partant des antiquités helléniques, qui ont été pour lui l’objet d’un travail particulier, s’étendent, en redescendant les siècles, jusqu’aux temps modernes, sur