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REVUE DES DEUX MONDES.

Viser[1]. Un autre recueil avait paru en 1657, renfermant trente chants d’amour et d’aventures tragiques. Il a pour titre Elskovs Viser. W. Grimm, que nous avons déjà cité plusieurs fois, a publié en allemand un choix fort étendu des diverses pièces contenues dans ces trois recueils[2], et M. Jamieson en a traduit plusieurs en anglais[3].

Comme on peut se le figurer d’avance, il ne faut pas chercher beaucoup d’art dans ces chants populaires du Nord. C’est une poésie âpre et sauvage comme les mœurs qu’elle représente et les hommes auxquels elle s’adresse. Un rhythme monotone et facile ; des strophes de deux longs vers qui tombent l’une après l’autre comme deux coups de marteau ; point de recherche dans les détails ; point de nuance dans les couleurs ; une poésie enfin qui s’ignore elle-même et raconte naïvement, grossièrement, les choses qu’elle a apprises. Le caractère sombre du Nord la domine du reste complètement ; les images riantes y sont rares ; les images de deuil y reviennent sans cesse.

On ferait un singulier contraste en mettant à côté de ces chants danois quelque suave poème de l’Orient, un chant d’amour comme Gul et Bubul, un drame comme Sacountala. Ici, le ciel étoilé, les rayons de soleil, la terre chargée de fleurs, les jours livrés aux molles rêveries, les nuits pleines de parfum et de douces clartés ; là, le sol aride, le vent qui gronde sous un ciel nébuleux, la mer qui frappe avec des gémissemens de douleur son lit de roc, ses flancs de sable ; ici, le monde des génies gracieux et les enchantemens de la vie ; là, les créations bizarres et la lutte pénible de l’homme avec le sort ou avec les élémens.

Mais ce qu’il y a de beau dans ces chants du Danemark, si grossiers qu’ils puissent être, c’est leur langue naïve et leur mâle énergie ; c’est la peinture si rude et si vraie des peuples du Nord. Il y a là des tableaux de mœurs et des tableaux de guerre, où vous chercheriez en vain la touche délicate de l’art ; mais toutes les personnes qui y ont pris place sont comme des figures monumentales taillées à grands coups de ciseau, dans un rocher de granit. Leurs récits de combats ressemblent à des épopées, et leurs guerriers sont hauts de dix coudées.

  1. Voici la traduction du titre entier : Recueil de cent chants danois, sur les guerres et autres singulières aventures arrivées dans le royaume aux vieux champions et aux rois illustres, depuis le temps d’Arild jusqu’à présent, auxquels ont été ajoutés cent autres chants sur les rois, les guerriers danois et autres, avec des notes amusantes et instructives. Copenhague, 1695.
  2. Altdanische Helden lieder, Balladen und Marchen. Heidelberg, 1811.
  3. Popular, heroic and romantic Ballads. Illustrations of northern antiquities, by H. Weber. Édimbourg, 1814.